Les joueuses renversent l’échiquier

La goutte d’eau, celle qui fait déborder le vase d’une coupe déjà bien pleine. En juin, une nouvelle affaire éclate dans le petit milieu des échecs, à propos des relations sexuelles d’un entraîneur avec ses élèves mineures.

« Évidemment, on nous a expliqué “qu’elles étaient consentantes”, soupire Mathilde Choisy, maître de la Fédération internationale des échecs, ex-directrice technique nationale (DTN) en France. Sauf que, lorsqu’il y une situation d’autorité, d’emprise, ça devient du pénal ! »

L’écœurement se propage, la volonté d’agir se révèle impérieuse. Quatorze femmes rédigent, signent et publient, le 4 août, une lettre ouverte dans laquelle elles révèlent avoir toutes subi des violences sexistes et/ou sexuelles de la part d’autres joueurs, entraîneurs, arbitres ou dirigeants.

Elles dénoncent « porter seules le poids de la honte », appellent à mettre fin à l’impunité dans une discipline qui compte seulement 20 % de licenciées. « Ce chiffre comprend les scolaires, nous sommes plutôt autour des 12 ou 13 %, précise Mathilde Choisy. Du coup, il y a un côté meute, boys band, qui s’installe en compétition. »

Aux échecs, les plus jeunes sont davantage exposé·e·s aux agressions durant les cours particuliers, mais pas uniquement. « Sur les open, les gros tournois, qui peuvent durer jusqu’à dix jours, il y a un mélange entre les âges et il y a déjà eu des soucis relatifs à des soirées alcoolisées. »

Dès la lettre rendue publique, la Fédération française d’échecs a annoncé soutenir la démarche. Il semble pourtant qu’il faille aller plus vite, plus loin. « J’étais DTN et directrice générale à la Fédé, donc je sais ce qu’on a mis en place à la suite de l’affaire Abitbol. Mais ce n’est pas encore assez, les déclarations d’intention, il y en a marre ! » scande-t-elle. La Normande déplore le manque de prévention, notamment de communication, permettant aux victimes d’identifier rapidement les référent·e·s vers lesquel·le·s se diriger.

Mathilde Choisy connaît le sujet. Elle-même a été victime d’un joueur suisse, aujourd’hui en prison pour l’avoir harcelée et menacée de mort durant des années. Si les agressions ont débuté en 2008, le jugement n’a eu lieu que dix ans plus tard, après deux plaintes déposées. Plus jeune, elle se souvient également des affaires traitées en catimini, avec des entraîneurs mis de côté discrètement, conservant toutefois leur licence de pratiquants, et pouvant donc recroiser leurs victimes en compétition.

C’est toujours le cas aujourd’hui. À la suite de la révélation de violences sexuelles dans différents pays, ces derniers mois, les joueuses d’échecs ont décidé de se liguer à l’international, de créer une association. Pour agir à l’échelon le plus haut et accélérer encore le mouvement.

L’intégralité de cet article est à retrouver sur L’Humanité sous la plume de Mejdaline Mhiri.

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