En 1997, Garry Kasparov, le roi des échecs, accepte de rejouer contre Deep Blue, l’ordinateur le plus puissant du monde, qu’il avait battu un an plus tôt. Mais cette fois, IBM ne compte pas perdre… Grand prix au festival Séries Mania, « Rematch » raconte à la façon d’un thriller ces quelques jours qui ont ébranlé à jamais le rapport entre l’homme et la machine. Brillant. C’est sur arte.tv
Garry Kasparov (Christian Cook) et «PC» (Orion Lee) dans la série «Rematch», Grand Prix Séries Mania, en mars 2024 – Photo © Leo Pinter
Une série sur les échecs à voir absolument
Cette série originale d’Arte, Grand prix à Séries Mania, en mars dernier, nous convie à un combat singulier: celui qui a eu lieu en mai 1997 à New York entre le champion du monde d’échecs Garry Kasparov et le super calculateur Deep Blue. Un an plus tôt, « l’ogre de Bakou » avait battu la machine, IBM voulait sa revanche. Le joueur d’échecs va accepter (pour près de 1 million de dollars s’il gagne) de se confronter à nouveau avec ce mastodonte électronique de 1,4 tonne, capable de calculer 200 millions de coups par seconde.
À 34 ans, dont déjà douze au sommet de l’échiquier mondial, le prodige russe, plus jeune champion du monde sacré à 22 ans, après sa victoire épique contre son compatriote Anatoli Karpov, pense pouvoir tenir tête aux machines au moins jusqu’à l’an 2000. Mais le doute va progressivement le gagner au fil des six parties et dix journées qu’il doit mener contre cet ordinateur surpuissant dopé à l’intelligence humaine…
Le projet « Rematch » a mis sept années à mûrir, mais le résultat en valait la peine. Sur une idée originale du producteur Bruno Nahon, cette série, coécrite par les Québécois André Gulluni et Yan England, se dévore comme un voit et ressent se fissurer peu à peu l’armure de Garry Kasparov, ce compétiteur hors pair, adepte forcené des pompes et de la course à pied, incarné avec une formidable intensité par l’acteur britannique Christian Cooke.
Pas besoin de savoir jouer aux échecs
Même si l’on ne connaît rien aux échecs, la tension dramatique fonctionne à plein, d’autant que les digressions et les incursions dans le passé et la vie privée de l’homme renforcent la complexité de ce personnage surdoué mais ombrageux, stressé, éloigné de sa femme et de sa fille, coaché par sa mère…
Le duel est d’autant plus fascinant que face à lui trône une machine, aussi incarnée que Hal dans le film 2001 : l’odyssée de l’espace, une créature conçue dans les sous-sols d’IBM par « PC », un brillant informaticien qui va se retrouver débordé par une horde de grands maitres chargés d’entraîner l’ordinateur à toutes les ouvertures possibles… Ce « rematch », symbole pour beaucoup de l’avènement de l’IA, reste en effet entaché de doutes. « Une main de Dieu » – en l’occurrence celle d’IBM – aurait biaisé la confrontation, suggère cette brillante série.
Arte.tv, à partir du 2 octobre.
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