Après la série phénomène de Netflix, ARTE présente « Rematch ». Une plongée dans la légendaire partie d’échecs entre le champion Garry Kasparov et le superordinateur Deep Blue. Perçus comme un jeu d’élite, cérébral et mystérieux, les échecs ont toujours fasciné la culture populaire. C’est sur arte.tv
Garry Kasparov interprété par Christian Cooke dans « Rematch » sur ARTE – Photo Leo Pinter
C’est le match retour. En 1996, le champion du monde d’échecs, le Russe Garry Kasparov, réussit à battre le superordinateur américain Deep Blue. L’année suivante, la société IBM le convainc d’accepter une nouvelle partie. La série d’ARTE Rematch, à découvrir à partir du 2 octobre, retrace, en six épisodes, les six manches de ce second duel psychologique. S’opposent l’ombrageux Kasparov à une redoutable intelligence artificielle au comportement de plus en plus imprévisible. Cet affrontement restera dans les esprits comme la première fois que l’homme a été mis échec et mat par la machine. Et comme une référence dans l’histoire de l’IA.
Même Taylor Swift chante les échecs
De tout temps, le jeu cérébral aux origines mystérieuses a nourri l’imaginaire des artistes, écrivains, scénaristes, et continue d’inspirer la culture populaire. Le combat légendaire entre le champion russe et le supercalculateur d’IBM fait ainsi l’objet d’une chanson, Deep Blue, du groupe de rock canadien Arcad Fire. Et ce n’est pas le seul titre musical à évoquer le jeu au damier noir et blanc. Le tube disco One Night In Bangkok, du chanteur anglais Murray Head, qui se déroule pendant un championnat d’échecs dans la capitale thaïlandaise, est extrait d’une comédie musicale, Chess, mettant en scène les parties acharnées entre deux grands maîtres sur fond de Guerre froide.
Les échecs ont même été mis à l’honneur par… la superstar planétaire Taylor Swift. Dans Dear John, qui évoque sa relation tumultueuse avec son ex-petit ami, elle chante : « Je vivais dans ton jeu d’échecs, dont tu changeais les règles tous les jours ».
Mais le premier à avoir réellement combiné la musique et les échecs est un certain François-André Danican Philidor, virtuose de la partition et de l’échiquier à la cour de Louis XV, auteur d’un manuel d’échecs encore étudié aujourd’hui !
« Le Jeu de la dame » sur Netflix : la mise en orbite
Le Jeu de la dame devenue une série culte des amateurs d’échecs sur Netflix.
Ces dernières années, le jeu d’échecs doit son pic de popularité le plus spectaculaire à la série de Netflix Le Jeu de la dame. Elle est adaptée du roman de Walter Tevis The Queen’s Gambit. On y suit l’itinéraire de Beth Harmon, une jeune orpheline prodige en lutte contre ses addictions – incarnée par la géniale Anya Taylor-Joy –, qui se fraye un chemin, en pleine Guerre Froide, dans le monde international des échecs, dominé par les hommes.
Diffusé en 2020, probablement galvanisé par le confinement de la crise du Covid, le programme suscite un engouement mondial. En quelques mois, les sites de jeu virtuel enregistrent un afflux record et les demandes de cours particuliers explosent.
La Fédération française des échecs, qui organisait en février 2024 ses premiers championnats de blitz en ligne, parle d’un « choc de croissance« . La principale plateforme du secteur, Chess.com, revendique, elle, 100 millions de membres, dont 5 millions de Français. Parmi lesquels – impact du Jeu de la dame ? –, une part croissante de femmes.
Des millions d’abonnés sur YouTube
Aujourd’hui, les réseaux sociaux et l’univers du gaming sont, eux aussi, gagnés par la folie des échecs. Sur TikTok, Instagram et YouTube, les vidéos cartonnent et les meilleurs joueurs du monde comme Magnus Carlsen, Levy Rozman (GothamChess) ou Hikaru Nakamura, comptent plusieurs millions d’abonnés.
Une femme estime néanmoins que la série de Netflix ne suffira pas à démocratiser et féminiser véritablement les échecs. Et pas n’importe quelle femme ! Judit Polgar, née en 1976 à Budapest, en Hongrie, est toujours, à ce jour, la seule femme à être entrée dans le top 10 mondial des échecs. Elle plaide pour les faire entrer à l’école : « Ils donnent des outils pour la vie… »
Stefan Zweig, Marcel Duchamp et… les Simpsons
Outre les séries télévisées et la musique, la symbolique de l’échiquier a également irrigué tous les domaines de la culture, faisant l’objet d’innombrables représentations et adaptations.
En littérature, on pense au Joueur d’échecs de Maelzel d’Edgar Allan Poe, traduit par Charles Baudelaire. Puis à La Défense Loujine, de Vladimir Nabokov, porté à l’écran en 2001 avec John Turturro et Emily Watson.
Ou encore au Joueur d’échecs de Stefan Zweig, récemment adapté en bande dessinée par David Sala. A nouveau traduit en français par le romancier Jean-Philippe Toussaint, en même temps qu’il publiait son propre roman, L’Échiquier, élaboré en 64 chapitres, comme les 64 cases du damier. Sans oublier, bien sûr, les multiples mises en scène d’Alice au pays des merveilles. Quand l’héroïne fait irruption, après sa traversée du miroir, dans une magique partie d’échecs…
Les échecs au cinéma
Au cinéma, on se souvient de la partie d’échecs contre la Mort dans Le Septième Sceau, d’Ingmar Bergman. Le chevalier y lance à la Mort, venue le chercher : « Je sais que tu joues aux échecs, je l’ai vu sur les peintures ».
En 1985, La Diagonale du fou, de Richard Dembo, avec Michel Piccoli et Liv Ullmann, remporte l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Et en 2011, le documentaire Bobby Fischer Against the World rappelle l’exploit du prodigieux champion du monde américain, qui mit fin en 1972 à l’hégémonie soviétique sur l’échiquier, à l’issue du match du siècle. Partout, on joue même aux échecs. En version tridimensionnelle dans Star Trek et même avec seulement quatre doigts dans Les Simpsons !
Le chevalier de Bergman n’avait pas tort. Les peintres ont en effet fait la part belle aux échecs, notamment les surréalistes.
Art et échecs
Marcel Duchamp, lui-même champion d’échecs, les représente souvent, sculpte des pièces et conçoit l’affiche du championnat de France d’échecs, qui se déroule à Nice, en 1925.
Salvador Dali créé lui aussi un jeu d’échecs (en hommage à Duchamp) et intègre un échiquier dans son tableau La Renaissance de Narcisse. Tout comme le feront Georges Braque, Henri Matisse, Juan Gris, Paul Klee, Victor Vasarely.
On doit également à Max Ernst de nombreuses œuvres échiquéennes, sur toile, en bois, en argent et or, ainsi qu’un échiquier géant en verre de Murano de cinq mètres sur cinq, baptisé L’Immortel.
De la BD au sport
Dans le domaine des échecs, c’est parfois la fiction qui devient réalité. Ainsi, en 1992, dans sa BD Froid Équateur, le dessinateur Enki Bilal imagine un sport mêlant les échecs et la boxe : le chessboxing.
Une discipline fantasmatique alternant rounds sur l’échiquier et sur le ring. Celle qui a donné naissance à une pratique bien concrète, puisqu’il existe aujourd’hui une Fédération française de chessboxing et de plus en plus de pratiquants ! Un documentaire, Mental Combat, retrace l’étonnante genèse de ce sport hybride. À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le chessboxing a été représenté lors de l’Olympiade Culturelle. Ceci , parmi 2 000 projets faisant dialoguer arts et sports.
C’est là le seul… échec des échecs
Il reste un bastion populaire qu’ils n’ont pas réussi à conquérir : l’olympisme. S’ils ont été reconnus comme un sport en 1999 par le CIO, possèdent leurs propres Olympiades. Et même leurs affaires de soupçons de dopage. Ils ont longtemps espéré être retenus dans la liste des sports additionnels pour les JO de Paris 2024. En vain.
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