Depuis le confinement, la Fédération française des échecs (FFE) a enregistré une forte hausse de ses licenciés. Sur Internet, jamais la pratique n’avait attiré autant de personnes à travers le monde.
Un échiquier lors du 96e championnat de France d’échecs, le 25 août 2023, à l’Alpe d’Huez – Photo Jeff Pachoud / AFP
Depuis le confinement, la Fédération française d’échecs a enregistré une forte hausse de ses licenciés. Sur Internet, jamais la pratique n’avait attiré autant de personnes à travers le monde.
Le constat est unanime. Depuis le deuxième confinement (30 octobre au 15 décembre 2020) et la sortie de la série à succès Le Jeu de la Dame sur Netflix, la pratique des échecs connaît un boom en France. Une exposition nouvelle qui a dépassé le simple effet de mode, alors que se dispute le premier championnat de France d’échecs en ligne blitz, tournoi gratuit en plusieurs phases où 10 000 participants sont attendus du mardi 30 janvier au dimanche 3 mars.
Eloi Relange, le président de la Fédération française d’échecs, parle d’un « choc de croissance ». « Cette saison, on est en train d’atteindre les 80 000 licenciés alors que depuis une quinzaine d’années, on oscillait entre 50 et 55 000 », dévoile-t-il. « On s’attendait à ce qu’il y ait une baisse à la suite du momentum confinement-Jeu de la Dame, mais pour l’instant il n’y a pas de signe de fébrilité », analyse Geoffroy Mestrallet, le directeur général de la plateforme Immortal Game, qui organise la compétition.
Que ce jeu, dont les règles n’ont pas changé depuis 1 500 ans, soit en plein essor tient peut-être au nombre presque infini de possibilités qu’il offre. Jamais deux parties ne sont identiques. « Quel que soit son niveau, même jusqu’aux meilleurs joueurs du monde, on apprend toujours quelque chose », explique le joueur et streamer Kevin Bordi, alias « Blitzstream » sur Twitch (186 000 followers), qui a atteint 2288 au classement Elo.
Un nouveau public
Depuis trois ans, un nouveau public s’est mis à suivre ses streams. D’une part des personnes « qui aiment le jeu, un peu gamers, tentés par quelque chose de plus stratégique » que le pur jeu vidéo, de l’autre des gens qui redécouvrent la pratique des échecs après avoir décroché quand ils étaient plus jeunes. Dans les clubs, la Fédération a remarqué l’arrivée d’un public de « toutes les classes sociales », « principalement des jeunes mais aussi des 30-40 ans ».
La tendance n’est pas une spécificité française. Elle est mondiale. Entre 2010 et 2022, la plateforme dominante Chess.com a annoncé être passée de un à 100 millions d‘utilisateurs. Une croissance qui a fait germer dans l’esprit de Geoffroy Mestrallet et de deux de ses amis l’idée de lancer leur plateforme de jeu en ligne au printemps 2021 : « Naturellement, il y a eu un boom par la praticité logistique de pouvoir jouer contre n’importe qui, de n’importe quel pays et à n’importe quel moment de la journée, en direct. Pour tous les passionnés, la pratique est devenue de plus en plus simple ».
Le pic de popularité atteint ne concerne pas uniquement la pratique, puisque les échecs sont devenus un sujet viral sur les plateformes vidéo. Les contenus liés à la discipline « ont marché du feu de dieu » sur Tiktok et dans les formats courts sur Instagram l’année dernière, retrace Kevin Bordi. Sur Youtube, les meilleurs joueurs du monde comme l’idole Magnus Carlsen (1,13 million d’abonnés) ont souvent leur propre chaîne. Le record de popularité sur la plateforme est détenu par GothamChess, qui a notamment décortiqué les parties présentes dans Le Jeu de la Dame. La chaîne animée par l’Américain Levy Rozman, qui détient le titre de Maître international (plus de 2400 points au classement Elo), cumule près de 4,5 millions d’abonnés.
Féminiser et rendre le haut niveau plus attractif
Maintenant que la démocratisation de la pratique est bien entamée, la Fédération française d’échecs aimerait s’attaquer à un autre chantier. « Le message d’hier c’était ‘Les échecs sont un sport populaire’. Désormais, on veut montrer que c’est un sport inclusif, qui s’adresse à tous, aux femmes, aux enfants, aux personnes en situation de handicap… », avance Eloi Relange, qui regrette que seulement 20% des licenciés soient des femmes.
« C’est un peu notre plafond de verre. Il y a eu beaucoup de plans pour tendre vers plus de mixité, voire la parité, mais personne n’a encore trouvé le bon moyen. Notre stratégie c’est de briser ce cercle vicieux qui fait que plus il y a d’hommes, moins de femmes viennent aux échecs, annonce celui qui est arrivé à la tête de la FFE en 2021. On travaille à avoir plus de dirigeantes, d’entraîneures et à inciter les clubs à créer des groupes de jeunes filles ».
L’autre axe d’amélioration, que le streamer Kevin Bordi soulève, n’est pas vraiment du ressort de la fédération nationale. Il concerne l’intérêt, pour lui insuffisant, que génère la scène de haut niveau auprès du grand public. « Le calendrier est incompréhensible. Si on doit schématiser, 90% des tournois n’ont aucun impact dans la course au titre mondial. Seulement deux ou trois tournois par an font partie du cycle de qualification pour le match qui désigne le champion du monde ayant lieu une fois tous les deux ans », explique-t-il, avec l’espoir qu’un jour, un public fidèle suive la saison avec assiduité, comme c’est le cas dans les autres sports.
La très longue durée de certaines parties, qui peuvent atteindre six à sept heures, sont également de nature à refroidir même les suiveurs les plus acharnés. Sur ses lives, « il peut arriver que beaucoup de monde revienne et que les audiences soient énormes parce qu’il y a un match entre le numéro 1 français Maxime Vachier-Lagrave et Magnus Carlsen, mais c’est trop sporadique ».
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