« Il n’a jamais été aussi facile de pratiquer les échecs », se réjouit le champion français Maxime Vachier-Lagrave

Le joueur français, qui a atteint le rang de numéro 2 mondial en 2016, puis 2017, se penche sur le boom de la pratique des échecs, sa carrière, et le phénomène Magnus Carlsen.

Maxime Vachier-Lagrave lors d'une session photo à Paris, le 4 mai 2021. (JOEL SAGET / AFP)

Maxime Vachier-Lagrave lors d’une session photo à Paris, le 4 mai 2021. (JOEL SAGET / AFP)

Il sera la tête d’affiche des premiers championnats de France de blitz en ligne, qui débutent mardi 30 janvier. L’actuel 18e mondial et n°2 français, Maxime Vachier-Lagrave (33 ans), champion du monde en 2021 de ce format plus rapide que les échecs traditionnels, a répondu aux questions de France info sport.

Il se réjouit de la démocratisation de la pratique et fait le point sur sa carrière, au cours de laquelle il lui est arrivé à plusieurs reprises de battre la star Magnus Carlsen, quintuple champion du monde d’échecs en parties classiques et sept fois champion du monde de blitz. Le Norvégien de 33 ans est le joueur ayant atteint le plus haut total de l’histoire au classement Elo (2 882 points), qui détermine la hiérarchie des joueurs d’échecs.

Franceinfo: sport : Est-ce qu’on peut parler de période faste pour la pratique des échecs en France ?

Maxime Vachier-Lagrave : Ce n’est pas uniquement en France, mais bien dans le monde entier. Il y a énormément de matériel disponible et internet est un support extrêmement explicatif. Le confinement a poussé les gens à trouver des activités plus en intérieur et le jeu d’échecs a été ressorti du placard. Il y a évidemment eu la série Le Jeu de la dame qui a fait apparaître de nouveaux aficionados. Il n’a jamais été aussi facile de pratiquer les échecs, de progresser et de trouver des adversaires.

Les échecs reçoivent-ils assez d’exposition médiatique selon vous ?

Forcément, on en veut toujours plus. Actuellement, je pense que ce n’est pas raisonnable de retransmettre des parties d’échecs qui peuvent durer cinq à six heures à la télé. On peut l’imaginer à l’avenir, si d’autres formats se démocratisent. Par exemple, aux championnats du monde de blitz, les parties ne durent pas forcément très longtemps [autour de 15 minutes] et c’est un événement sur cinq jours.

S’ils sont retransmis, il faudra être capable de mettre en valeur les émotions des joueurs et de faire comprendre ce qui est en train de se passer, parce que les pièces sont en mouvement et ça va vite. Dans le football, on peut voir le score et on comprend tout de suite. Pour comprendre une partie d’échecs, il faut avoir un minimum de niveau. On peut difficilement se dire qu’on aura, un jour, la même exposition que le football, mais il ne faut pas s’interdire de rêver.

Au-delà de la diffusion télé, parle-t-on assez des échecs dans les médias ?

Les choses ont quand même bien évolué au cours des dernières années. Cela fonctionne par périodes. Forcément quand la série Le Jeu de la Dame est sortie, c’était le branle-bas de combat. L’Équipe a commencé à faire des articles beaucoup plus poussés, mais aussi à suivre certains tournois dans l’actualité comme le tournoi des candidats [dernière étape de sélection pour le championnat du monde] et le championnat du monde, depuis 2019-2020. 

Qu’est-ce qui vous différencie des autres joueurs ?

Par nature, les différences de styles entre les joueurs s’atténuent de manière inévitable. Tout le monde est obligé de s’entraîner avec des logiciels d’échecs et de trouver de nouvelles façons de jouer et de nouvelles tactiques. Ce n’est pas un hasard si le jeu de ceux qui ont entre 15 et 20 ans, qui ont baigné dans les ordinateurs, rappelle fortement celui d’un ordinateur.

Pour ce qui est des petites différences, je me base énormément sur le calcul par rapport à d’autres joueurs, notamment de la génération précédente, qui vont essayer d’appliquer des principes et de prendre des décisions sur le feeling de la position. Malgré tout, je me base paradoxalement aussi sur mes instincts quand il s’agit de prendre des décisions. Ce n’est pas de l’instinct pour de l’instinct. Je calcule toujours beaucoup, mais moins qu’avant, j’ai plus de cordes à mon arc. À 33 ans, on ne calcule pas forcément moins bien, mais moins précisément. Il y a plus de ratés potentiels qu’à 25.

Vous avez battu Magnus Carlsen fin décembre, et ce n’était pas la première fois. Quel sentiment cela procure-t-il de battre un tel joueur ?

C’est toujours un challenge de l’affronter, d’autant plus quand je le bats, parce que la fois suivante, comme il n’aime pas perdre, il a toujours envie de remettre les pendules à l’heure. C’est le meilleur joueur actuel et peut-être le meilleur joueur de tous les temps. J’aime bien penser que, dans les bons jours, je peux au moins rivaliser avec lui. Maintenant, une victoire isolée contre Magnus, ça n’a pas une signification immense pour moi.

Son bilan contre moi reste positif [42-24 pour le Norvégien et 60 nulles toutes catégories confondues]. Là, je l’ai battu. Je ne vais pas dire que c’était pour rien, mais comme derrière, il a enchaîné six victoires de suite et qu’il a été chercher le titre au bout, ma victoire a moins d’importance. Alors qu’aux championnats du monde 2021 de blitz, que j’ai remportés, derrière je gagne le match de départage pour le titre. Forcément, là, cela a une plus grande importance.

Quel regard portez-vous sur l’aura du personnage Magnus Carlsen, principale figure de la discipline depuis plus de dix ans ?

Si on demande dans la rue qui sont les joueurs d’échecs les plus connus, on va plutôt penser à Garry Kasparov ou Bobby Fischer. Je ne sais pas s’il a réussi à dégager une aura comparable à Kasparov. Pour autant, c’est très probablement un meilleur joueur que lui dans l’histoire.

Que vous manque-t-il pour être à son niveau ?

Il y a plusieurs joueurs qui sont devant lui dans la phase de calculs. Là où il est sans égal, c’est dans son sens du jeu. Il trouve le bon moment, celui où il faut jouer vite pour mettre la pression sur son adversaire, et celui où s’arrêter pour trouver un moyen d’accentuer sa domination. Il sait trouver les endroits où ses pièces auront l’effet maximal sur l’échiquier.

Quels sont vos objectifs pour 2024 ?

Je vais avoir assez peu d’échéances au début de l’année. L’avantage, c’est que je vais pouvoir en profiter pour peaufiner tous mes axes de préparation pour avoir une grande saison ensuite. Je ne vais pas me battre pour le cycle mondial [série de tournois qui désigne le challenger du championnat du monde d’échecs en parties classiques] cette année. Ce sera peut-être le cas dans deux ans, en 2026. C’est l’objectif à long terme. Pour 2024, j’espère avoir de grandes compétitions et revenir à mon meilleur niveau. Il me reste quelques années, mais le temps défile.

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