La folie des échecs touche les plus jeunes à l’Alpe d’Huez, qui accueille les championnats de France.
Les compétitions se poursuivent avec les demi-finales jeudi 22 août à partir de 14 h 30 puis les finales vendredi 23 et samedi 24. Et les départages dimanche 25 août à partir de midi suivis de la cérémonie de clôture. Il est possible d’assister gratuitement et librement aux compétitions au Palais des sports de l’Alpe d’Huez.
Les parties d’échecs des Nationaux sont diffusés en direct sur Echecs & Stratégie
Pour la deuxième année consécutive, la station de l’Alpe d’Huez accueille plus d’un millier de joueurs d’échecs – Photo Benoît Lagneux – Le Dauphiné Libéré
C’est totalement par hasard qu’Agathe et son frère Gabin ont découvert les échecs.
Leurs parents, Alexia et Gilles, passionnés de jeux de société, s’y étaient bien intéressés mais comme tout un chacun. Pour les enfants, en revanche, la révélation fut instantanée. « Nous étions allés au forum des associations de Voiron pour découvrir un sport et on nous a proposé une initiation aux échecs », raconte Gabin, 10 ans. Il a suffi d’une partie pour les convaincre, lui et sa sœur, de s’inscrire au club La Tour de Chartreuse à Saint-Étienne-de-Crossey. « J’adore le côté réflexion, explique Gabin. Il faut être malin, toujours empêcher l’adversaire d’avancer et avoir des plans pour le contrer. »
Agathe, 8 ans, mise sur la concentration et la patience pour arriver au bout d’une partie. « Parfois je suis sûre de moi, parfois je doute, ça dépend vraiment des moments », dit-elle. Avec une détermination commune chez le frère et la sœur. « Ce genre de compétition me donne envie de pousser mes ambitions un peu loin. C’est déjà mon but, mon rêve de devenir champion de France et après champion du monde ! », lance Gabin avec un regard très sérieux. Le même qu’il affiche quand il fait face à son adversaire dans l’immense salle du Palais des sports de l’Alpe d’Huez.
« J’ai déjà joué contre des adultes. Je ne sais pas qui est le plus impressionné »
Une ambiance feutrée où l’on ne prononce pas le moindre mot. « C’est très impressionnant ce genre d’événement », concède Agathe… déjà habituée aux grandes compétitions. Car malgré son jeune âge, elle a intégré l’équipe de France et a terminé deuxième des championnats de l’Union européenne. Dans quelques mois, elle prendra la direction de l’Italie pour les championnats du monde ! « Il faut trouver un juste équilibre entre ne pas freiner leur enthousiasme et ne pas trop les pousser », pense Alexia. Quoi qu’il en soit, pour cette maman, les échecs sont particulièrement bénéfiques. « Agathe et Gabin ont toujours une soif d’apprendre et de découvrir. Quand ils s’intéressent à un domaine, ils veulent toujours tout savoir, tout connaître. On arrive parfois à bout, comme avec les dinosaures, s’amuse-t-elle. En revanche, avec les échecs, c’est infini ! Il y a toujours de nouvelles techniques ou combinaisons à trouver. »
Chaque partie peut durer jusqu’à 4 h 30 pour les enfants. Il faut donc afficher une véritable endurance. C’est pour cela que les échecs sont considérés comme un sport. « Je le constate vraiment, explique Alexia. Quand Agathe a fini une compétition, c’est comme si elle venait de faire du sport, elle dévore le repas ! »
Comme Agathe et Gabin, ils sont plus d’un millier à s’affronter lors de 5 000 parties d’échecs. C’est la deuxième année que la Fédération française choisit l’Alpe d’Huez pour ses championnats de France. Avec des joueurs allant de 6 à 90 ans. Un vrai mélange des générations qui se font parfois face. C’est une des spécificités de ce sport. « J’ai déjà joué contre des adultes. Je ne sais pas qui est le plus impressionné », s’amuse Agathe en souriant.
Que l’on connaisse ou pas les règles des échecs, ces championnats de France sont un véritable spectacle visuel avec des acteurs passionnants.
Deux tiers des licenciés à la Fédération française des échecs ont moins de 20 ans
Il suffit de regarder les visages de la salle du Palais des sports pour le constater : deux tiers des licenciés à la Fédération française d’échecs ont moins de 20 ans. « C’est un sport extraordinaire pour les enfants. C’est ludique et ils peuvent se mesurer aux adultes car il n’y a pas de contraintes physiques. Un enfant est donc à égalité avec son aîné. C’est un des premiers sports où il peut battre ses parents ! », s’amuse Éloi Relange, président de la Fédération française des échecs. « Il n’y a également pas de milieux socioprofessionnels surreprésentés puisque les échecs ne demandent pas d’investissement. Tout le monde a un jeu chez soi. »
Éloi Relange, de la Fédération française : « Les échecs ont toutes les caractéristiques du sport de haut niveau »
Éloi Relange, président de la Fédération française des échecs devant le Palais des sports de l’Alpe d’Huez – Photo Benoît Lagneux
Les échecs connaissent un engouement qui ne semble pas faiblir depuis 2020 ?
« Il se confirme d’année en année puisque la Fédération française compte son plus grand nombre historique de licenciés. Nous sommes à plus de 77 000 licenciés alors que nous étions à 55 000 avant le Covid. On est sur une belle dynamique qui monte de 15 à 20 % par an. Et ça continue, donc on est ravis ! »
Comment peut-on expliquer cet engouement ?
« Déjà, le jeu. En lui-même il est exceptionnel. Quand on joue aux échecs, c’est un peu une boule de neige. On va toujours vouloir aller plus loin, chercher de nouveaux adversaires, de nouvelles techniques. On va comprendre les bénéfices que ça apporte à notre façon de penser, de réfléchir. Les bénéfices sociaux, aussi, avec les personnes que l’on rencontre. Il y a également le côté cérébral, intellectuel. On a d’autres facteurs comme le succès de la série Le Jeu de la Dame sur Netflix, les jeux en ligne et le confinement dont on sent encore la dynamique. Enfin, grâce au programme “Class’Échecs”, on a des initiations dans plus de 4 000 écoles primaires. »
On a l’impression que les échecs sont un vrai sport ?
« Les échecs sont un sport ! Il faut le dire sans retenue. Pour avoir de la performance, il faut travailler 15 ans, sa technique, son mental, son physique, sa nutrition, sa posture… C’est une discipline qui a toutes les caractéristiques du sport de haut niveau, dans la recherche de performance. On est d’ailleurs reconnu par le ministère des Sports et on est membre du Comité international olympique depuis 1999. »
On pourrait donc imaginer les échecs aux JO ?
« On était en sports de démonstrations aux Jeux de Sydney en 2000. Nous sommes présents aussi à certains Jeux continentaux. Pour être aux Jeux olympiques, il faudrait trouver et proposer le format au comité d’organisation. Un format qui soit plus amical, plus compréhensible pour le grand public, plus court aussi que ce qu’on a pu proposer. Mais c’est envisageable. »
L’article complet du Dauphiné Libéré