Chaque samedi, une personnalité se confie au JDD sur l’une de ses passions méconnues. Cette semaine, l’ancien ministre et directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn, confie sa passion pour les échecs, jeu qu’il pratique quotidiennement sur internet.
Dominique Strauss-Kahn joue en double avec le numéro 2 mondial, Wesley So, au Paris Grand Chess Tour © Ligue île-de-France des échecs
Le JDD. À quand remonte votre première expérience des échecs ?
Dominique Strauss-Kahn. J’ai commencé à jouer aux échecs à l’âge de quatre ou cinq ans, d’abord avec mon père, comme tous les enfants. Puis avec deux copains de mon âge qui avaient un très bon niveau. C’était à Agadir, au Maroc, où je vivais à l’époque.
Qu’est-ce qui vous a plu dans les échecs ?
J’aime le jeu d’échecs car il n’admet aucune part de hasard. Au même âge, j’ai commencé le bridge, mais j’ai vite arrêté : la proportion de chance et de fantaisie était trop importante ; l’analyse, moindre. Les échecs conviennent davantage à mon esprit analytique. C’est un jeu carré !
Il subsiste une part de hasard dans l’attribution des blancs, qui commencent la partie…
On peut facilement la supprimer en procédant par rotation.
Après le temps de la découverte avec votre père puis vos amis, vous avez poursuivi les échecs à un plus haut niveau ?
C’est à HEC que j’ai commencé à pratiquer sérieusement les échecs, à lire les ouvrages de référence et à participer aux compétitions inter-écoles.
Vous jouiez des parties longues ou rapides ?
En tournoi, plutôt longues ; en entraînement, plutôt rapides. Nous étions au début des années 1970, le soviétique Boris Spassky était champion du monde.
« Mon livre de chevet était le Bréviaire des échecs de Xavier Tartakover »
Dominique Strauss-Kahn
Vous appreniez des parties des grands maîtres ?
Bien sûr, c’est une des manières d’apprendre. J’ai lu Max Euwe, le grand pédagogue des échecs : Jugement et plan et Position et combinaison (1952). Mais mon livre de chevet était le Bréviaire des échecs de Xavier Tartakover (1934, réédité en 1967).
L’homme était célèbre pour ses aphorismes, par exemple : « La tactique consiste à savoir ce qu’il faut faire quand il y a quelque chose à faire. La stratégie consiste à savoir ce qu’il faut faire quand il n’y a rien à faire ».
Cela revient à « voir » l’échiquier dans sa tête ?
Chacun sa méthode. Moi, je me représente l’échiquier au plafond. Mais je ne joue qu’une seule partie à la fois. Certains maîtres suivent deux ou trois jeux à l’aveugle en simultané. Cela me paraît insensé.
Quel est votre classement Elo, la notation qui a cours pour mesurer le niveau aux échecs ? J’ai ouï dire que vous étiez un grand joueur d’échecs…
Ce sont des racontars ! Je dois être aux alentours de 1500 Elo. Lorsque je jouais avec plus d’assiduité, j’ai atteint 1800. Le système Elo est très astucieux, dans la mesure où les gains et pertes à chaque partie sont proportionnés au niveau de l’adversaire.
« Je ne prétends pas bien jouer, je prétends seulement jouer »
Y a-t-il beaucoup de personnalités politiques champion d’échecs ?
Je ne sais pas. Mais ce n’est pas mon cas. Je ne prétends pas bien jouer, je prétends seulement jouer.
Disons qu’il y a peu de personnalités politiques qui savent jouer à l’aveugle !
Au contraire, il y a du monde en politique qui joue à l’aveugle, mais pas aux échecs (rires).
On dit souvent que les échecs sont un bon exercice cérébral. Le croyez-vous ?
C’est d’abord un exercice de mémoire. Et un bon test pour mesurer le ralentissement de l’esprit. Lorsqu’on a mal au genou en vieillissant, on s’en rend compte tout de suite. S’agissant du cerveau, c’est plus compliqué. Les échecs permettent de le mesurer objectivement. Pour ma part, mon classement dans les parties « blitz » de 5 minutes décroit avec l’âge. En revanche, sur les parties de 10 minutes, je me maintiens encore.
« Les échecs nous apprennent à réfléchir aux coups d’après »
Quelles leçons avez-vous tirées du jeu d’échecs ?
Les échecs nous apprennent à réfléchir aux coups d’après. Dans les situations connues, on anticiper jusqu’à cinq ou six coups à l’avance. Dans celles qu’on découvre, la prévision est plus courte : deux ou trois coups seulement. Mais le principe des échecs, c’est qu’il ne faut pas se contenter seulement du coup suivant. Une leçon à méditer pour le monde politique !
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