Le Championnat du Monde d'échecs des ordinateurs (III): interview de Stefan Meyer-Kahlen, le développeur de Shredder

Bel affrontement des puces à Amsterdam !

le match : Rybka – Jonny (et son concepteur Joannes Zwanzger)

Après cinq rondes sur les 11 prévues, tout reste encore possible. En effet, il n’y a plus de « petit programme » (à part Micro-Max). Toutes les parties sont très disputées et il n’est pas rare de voir des duels frôler la limite des 5 heures de jeu. Pour le moment, Zappa est seul en tête avec 4 points sur 5 possibles. Shredder, GridChess et Deep Sjeng suivent avec 3.5 points. Rybka n’a que 3 points mais un match de moins : il pourrait donc rejoindre le haut du classement en cas de victoire contre The King.

Retrouvez toutes les parties sur le site officiel.

Stefan Meyer-Kahlen

Lors de la partie « Shredder – The Baron » cet après-midi, Stefan Meyer-Kahlen, le talentueux développeur de Shredder, a bien voulu répondre à nos questions.

Une interview exclusive pour les lecteurs de Chess & Strategy

Chess & Strategy (CS) : Peut-on connaître votre formation ?

Stefan Meyer-Kahlen (SMK) : J’ai effectué une maitrise en science informatique que j’ai terminée en 1996.

CS : Quand avez-vous commencé à jouer aux échecs et quel est votre niveau aujourd’hui ?

SMK : Mon père m’a appris les règles vers l’âge de 9 ans. Très rapidement, vers 10 ans, je me suis inscrit au club local. Mon niveau se situe aux environs de 2000 ELO.

CS : Quand avez-vous commencé à développer votre programme Shredder ?

SMK : J’ai débuté en 1993 dans le contexte d’un projet universitaire mais mon superviseur de l’époque ne m’a pas encouragé à utiliser ce projet pour mon travail de fin d’étude, il ne croyait pas en l’avenir des programmes d’échecs (ou il pensait que j’étais incapable de développer un bon programme [rire]). Shredder a joué pour la première fois en tournoi lors de l’IPCCC de Paderborn en 1995.

CS : Quand avez-vous commencé à vendre Shredder et quand avez-vous commencé à gagner suffisamment d’argent pour pouvoir vivre de cette activité ?

SMK : J’ai commencé à commercialiser Shredder début 1997 après avoir remporté le championnat du monde (sur micro-ordinateur) en 1996 à Jakarta. Tout s’est enchainé assez rapidement puisque je venais de terminer mes études et j’ai ainsi pu commencer à développer mon activité et gagner ma vie. Le succès est venu progressivement mais au départ, j’étais encore célibataire et j’avais donc besoin de peu d’argent pour vivre, aujourd’hui je suis marié et j’ai des enfants c’est différent [sourire].

CS : Quel est votre objectif pour ce tournoi ?

SMK : C’est très simple je veux gagner! [rire]

Shredder-The Baron (Richard Pijl, son dévelopeur)

CS : Quels sont pour vous vos plus dangereux rivaux pour cette compétition ?

SMK : Aujourd’hui il n’y a plus vraiment de programmes faibles et toutes les parties sont difficiles à gagner. IsiChess était jusqu’il y peu considéré comme un programme plus faible, mais cette année Shredder a dû batailler près de 5 heures pour en venir à bout. Mais ceci dit, je me méfie particulièrement de Rybka et Zappa.

CS : Ne pensez-vous pas que tous les programmes devraient tourner sur le même matériel (hardware) ?

SMK : Je n’aurais aucun problème à participer à une compétition où tous les programmes fonctionneraient sur un matériel identique, mais la situation actuelle ne me gène pas. De toute façon en pratique les meilleurs programmes bénéficient toujours de matériels similaires. Si vous possédez un programme capable de gagner le titre majeur, il est toujours possible de trouver quelqu’un qui vous prêtera son matériel durant la compétition. Et maintenant grâce à internet vous n’avez plus à déplacer physiquement les ordinateurs.

CS : Pensez-vous que gagner ce titre peut avoir un impact sur les ventes de Shredder ?

SMK : Le titre de champion du monde fût important pour moi pour débuter mon activité et à ce niveau c’est certain que c’est très utile. Mais aujourd’hui dans mon cas, je ne m’attends pas à une augmentation significative des ventes si je remporte cette compétition. Le peu de supports médiatiques autour de ce tournoi en est peut-être aussi la raison.

CS : Comment testez-vous une nouvelle version de votre programme avant de la rendre publique ?

SMK : J’effectue essentiellement de nombreuses parties entre la nouvelle version et la version précédente et aussi contre d’autres forts programmes. Ce sont principalement des blitz de quelques minutes avec une incrémentation de quelques secondes par coup. De cette façon on peut réaliser un grand nombre de parties et avoir une bonne statistique qui permet de définir une côte ELO avec suffisamment de précision. Si l’amélioration est significative, disons 50 points ELO, alors en toute logique la nouvelle version sera aussi meilleure pour des parties plus longues.

CS : Que pensez-vous du fait que tant d’argent soit investit dans un match comme Kramnik-Deep Fritz alors qu’il y en a si peu pour cette compétition ?

SMK : C’est très triste, mais d’un autre coté c’est sans doute ce que les gens veulent voir. Il y a aussi des raisons marketing évidentes et il faut bien dire que ChessBase est une excellente compagnie à cet égard.

CS : Que pensez-vous de l’attitude de ChessBase de ne pas faire concourir Fritz dans ce championnat ?

SMK : Fritz ne s’est tout simplement pas qualifié, ce sont les meilleurs programmes qui participent à cette compétition. Je plaisante bien entendu [rire]. Je pense que ChessBase a peut-être plus à perdre qu’à gagner en venant se frotter aux autres programmes; certains sont clairement meilleurs (en tout cas meilleurs que la dernière version publique de Fritz).

Chess & Strategy remercie Stephan pour cette interview exclusive et invite ses lecteurs à consulter le site officiel de Shredder : http://www.shredderchess.com/

Fabian Brau – Notre correspondant Spécial Ordinateur pour Chess & Strategy à Amsterdam – (Auteur de l’article et des photos exclusives).

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