Echecs & Interview : Jean Hébert (3/3)

Jean Hébert en polo Chess & Strategy

Voici le troisième et dernier épisode, une interview exclusive de Jean Hébert en Polo Collector pour les lecteurs de Chess & Strategy.

Louise – Gerard Berliner

Découvrez l’homme, les grands moments de sa carrière, sa vision du jeu, ses conseils. Cette interview a été réalisée par Olivier Caleff, contributeur du site à ses heures.

JEAN HEBERT ET LES TOURNOIS

Quels sont vos tournois d’échecs préférés ?

En France, c’est Cannes : un fort tournoi, dans une région et un environnement agréables. Et puis Cappelle-la-Grande pour son format extrêmement généreux pour les invités. Sur le continent nord-américain, nous avons le World Open à Philadelphie qui coûte toutefois les yeux de la tête pour y jouer.

Pourquoi n’avez-vous pas participé aux dernières Olympiades à Khanty-Mansiysk ?

Je considère que c’était trop loin pour moi, si je n’avais pas assez de temps pour récupérer du voyage. Je ne peux pas concevoir de jouer correctement après un si long voyage, en plein décalage horaire, … c’est pour les jeunes çà ! L’année dernière j’y ai joué la World Cup et après 21 heures de voyages, et en plein décalage horaire ce n’était pas les conditions idéales pour moi pour jouer. Même reposé j’aurais tout de même perdu contre Peter Svidler le 8e joueur au monde, mais j’aurais au moins pu donner le meilleur de moi-même. [NDLR: 0-2 face à Peter Svidler]

Quels sont les prochains tournois auxquels vous pensez participer ?

Mis à part un ou deux tournois de week-end ici j’irai peut-être en France à nouveau en 2011 pour Cappelle-la-Grande et Cannes. Dans l’immédiat je travaille surtout sur un bouquin destiné à l’entraînement du joueur moyen. Le contrat d’édition est signé et je crois que ce sera prêt fin 2011. C’est un gros défi. En plus d’être éducatif je veux faire quelque chose qui soit aussi agréable à lire ce qui demande beaucoup de travail.

LES SECRETS DU CHAMPION

Quels conseils donneriez-vous aux amateurs du jeu d’échecs pour progresser ?

D’abord, se fixer des objectifs d’apprentissage, même si ce ne sont que des objectifs court terme : faire preuve de volonté et de rigueur. Par exemple, ne pas jouer que pour s’amuser, mais toujours avoir un but. Par exemple, on peut très bien s’entrainer en faisant des blitz sur Internet, mais en respectant un objectif : jouer une ouverture donnée, puis ensuite vérifier l’ouverture en allant comparer avec des bases de parties.

Autre conseil : lire des livres, mais les lire sérieusement. C’est à dire avec un échiquier en parallèle et donc vraiment suivre les parties et se poser des questions.

Enfin, trouver du plaisir dans le jeu : c’est indispensable.

Ce sont des bonnes habitudes à prendre. Dans mon cas, cela m’a pris du temps, mais c’est avec les ordinateurs et les bases de données que j’ai appris à apprécier ce genre de « travail » et que je suis arrivé à le faire de façon plus productives.

Quelle est votre approche du jeu avec les Blancs ou avec les Noirs ?

Je n’ai pas une approche « telle ouverture » ou « telle défense ». Mon répertoire d’ouverture n’est pas très approfondi. Quand je m’assois j’ai toujours la même approche : je m’assois pour faire une belle partie, pour joueur une partie complète, sans penser au résultat. Même si je me lève régulièrement, je n’efforce de demeurer concentré le plus possible; c’est le grand défi de tout joueur de compétition.

Je suis assez combatif : pas de nulles en 10 ou 15 coups avec moi !

Vous êtes Grand Maître International ICCF (International Correspondence Chess Federation) depuis 1984. Quel est votre approche du jeu par correspondance ?

J’ai commencé à jouer par correspondance pour pouvoir rencontrer des joueurs de meilleurs calibres. En définitive, cela m’a apporté bien plus : prendre son temps pour analyser une position peut représenter un très gros travail. Le fait de ne pas être contraint par le temps, permet à la fois de pouvoir explorer à tête reposée toutes les opportunités offertes par une position, mais il faut d’autre part d’aller savoir limiter son investissement en temps ! Je considère que le jeu par correspondance est très formateur pour un amateur.

Mais ca se complique avec les ordinateurs et les moteurs d’analyse. Si c’est pour ne jouer que les meilleurs coups donnés par un programme, ce là n’apporte rien et si tout le monde fait pareil, cela n’apporte rien au jeu.

Si l’on veut utiliser des moteurs d’analyse, il faut absolument savoir les diriger, sinon, ils ne donnent que l’illusion de trouver nous même.

Ils n’ont pas beaucoup d’intuition pour les sacrifices par exemple. Cet outil, encore une fois, il faut savoir diriger, et il peut alors aider à mieux comprendre le jeu d’échecs.

Je n’ai malheureusement plus assez de temps pour jouer par correspondance maintenant.

Pensez que l’ordinateur soit un vrai atout pour le jeu d’échecs ?

Oui, bien utilisé, c’est un outil fantastique. Il a notamment permis l’éclosion de nombreux « prodiges ». Et c’est un fantastique moyen d’accès à l’information !

Quels sont vos livres d’échecs préférés ?

Mes auteurs préférés sont Garry Kasparov pour la série de livres « Mes grands prédécesseurs », John Nunn (il a signé plusieurs ouvrages, dont « Secrets of Grandmaster Chess », et il est le directeur des éditions « Gambit Publications » qu’il a fondées dans les années 1990 avec Murray Chandler et Graham Burgess), Jeremy Silman, Andrew Soltis, …

Quant aux livres que j’emporterais sur une île déserte, ce sont « Alexander Alekhine’s Chess Games » de Robert Verhoeven, « Pal Benko My Life Games And Compositions » de Pal Benko et Jeremy Silman, « Amos Burn, A Chess Biography », un fascinant portrait de la société anglaise du XIXème siècle.

A partir de quel âge peut-on apprendre à jouer aux échecs ?

Je préfère commencer avec des enfants qui savent déjà écrire, donc je pense que le bon âge est environ 8 ans.

Mais j’ai une remarque à faire concernant les enfants : je trouve qu’on les pousse trop tôt à faire des compétitions. Il faudrait qu’ils fassent d’abord des parties amicales, se former plus, savoir au moins noter une partie, … la plupart se retrouvent en compétition alors qu’ils ne sont pas encore assez préparés.

Et pourtant, les échecs, c’est très bien pour développer la réflexion, le sens de l’analyse, le jugement et la prise de décision. C’est un outil très complet !

Au contraire, à l’école on développe essentiellement la capacité de mémorisation de l’enfant : on lui demande de « ressortir » ce qui a été « ingurgité ».

A ce sujet, le travail réalisé par Maurice Ashley est extraordinaire. Je recommande fortement son livre « La diagonale du succès » qui présente un argumentaire très puissant en faveur des échecs comme moyen de former la pensée chez les jeunes.

de Jean Hébert dans

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