« Garry Kasparov, rebelle sur l’échiquier », un documentaire sur les échecs diffusé ce dimanche 18 août 2024 sur Arte. Ce film raconte l’itinéraire, de 1985 à 2000, du numéro un mondial des échecs né en Union soviétique et aujourd’hui exilé aux États-Unis.
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Regard de défi, attaques dévastatrices, rage de vaincre… Son style de jeu unique a fait de lui une légende des échecs, qu’il a dominés outrageusement de 1985 à 2000. Né en 1963 à Bakou, d’un père juif azéri, décédé lorsqu’il avait 7 ans, et d’une mère d’origine arménienne, qui sacrifiera sa carrière pour l’amener au sommet, Garry Weinstein forge son génie en observant ses parents s’affronter.
Garry Kasparov, la légende du champion d’échecs, le 22 mai 1990 – Photo Julio Donoso / SYGMA / GETTY
À une époque où la guerre froide se joue aussi sur l’échiquier, le prodige – qui a russifié son nom afin d’échapper aux discriminations antisémites – voit pourtant son ascension entravée, le pouvoir soviétique ayant déjà son champion du monde : Anatoli Karpov, qui a lavé l’humiliation de la nation après le titre de l’Américain Bobby Fischer en 1972.
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Garry et sa mère Klara Kasparova devant l’échiquier
Donc il serait le meilleur. Sa mère n’avait eu de cesse de le lui répéter dans sa jeunesse. Le tempétueux Garry Kasparov, qui vit aujourd’hui en exil aux Etats-Unis, sans doute sous bonne protection, a amené le jeu d’échecs à un niveau rarement atteint de complexité et d’intelligence. Pendant une quinzaine d’années, jusqu’en 2000, il a fait flamboyer les échiquiers par sa personnalité d’homme sûr de lui, qui vantait l’esprit de domination et ne craignait pas d’écraser l’adversaire.
En fait, l’un de ses duels restera dans les annales. Celui, échelonné sur plusieurs années et des centaines d’heures de jeu qui l’a opposé à Anatoli Karpov, Son seul rival. Un grand maitre dont il est parvenu à arracher le titre de champion du monde en 1985, Un bon Soviétique qui respectait le pouvoir du Kremlin, quand lui s’en distançait.
L’URSS jouait pour le champion d’échecs Karpov
L’appareil d’Etat ne cachait d’ailleurs sa préférence pour Karpov, plus à même à ses yeux de représenter l’URSS sur cet autre terrain d’affrontement avec l’Ouest que constituaient les échecs. Kasparov en a conçu une défiance. Jusqu’à la paranoïa.
En cinquante minutes, ce passionnant documentaire (un bémol, il ne s’attarde pas suffisamment sur les échiquiers) brosse le portrait d’un joueur qui n’eut d’autre choix, par son caractère et sa trajectoire, que d’endosser le rôle de rebelle, Notamment après 1990. Kasparov assiste alors aux pogroms anti-arméniens qui enflamment l’Azerbaïdjan. Sa notoriété lui sert de porte-voix pour dénoncer ces crimes. Il ne s’arrêtera plus.
L’émergence de Poutine, une partie d’échecs pour Kasparov
En fait, l’arrivée au pouvoir de Poutine lui offre un nouveau combat au cours duquel son adversaire se permet les coups les plus retors. En 2007, la police l’arrête cinq jours pour avoir manifesté. Craignant d’être empoisonné, l’ancien joueur refuse de s’alimenter.
Puis, un homme apparait à sa cellule : Karpov, qui vient lui apporter un plat dont il n’a pas à se méfier. Karpov, devenu entre-temps proche de Poutine…
En réalité, l’antagonisme de ces deux champions vaudrait un film à lui seul. Aujourd’hui sexagénaire, Kasparov vit loin de la Russie, où il a été rangé sur la liste des « extrémistes et terroristes ». En 2020, sa mère adorée est morte. Il n’a pas osé faire le voyage.