La championne du monde féminine d’échecs Ju Wenjun a battu la challenger Tan Zhongyi avec les pièces noires pour conclure la première mi-temps par une victoire cruciale.
Ce résultat marque sa troisième victoire en six parties. Elle mène ainsi 4-2 avant le match qui se déroulera à Chongqing, la ville natale de Tan Zhongyi.
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Interrogées hier sur l’importance du résultat de la partie d’aujourd’hui, les deux joueuses ont souligné que chaque partie d’échecs avait la même importance et qu’elles seraient abordées en conséquence. Cependant, sachant qu’il s’agissait de la dernière rencontre avant la mi-temps et les deux jours de repos à venir, on peut raisonnablement conclure qu’objectivement, celle-ci avait son importance.
Le lancement de la 6ème partie d’échecs
Le premier coup cérémoniel de la sixième partie d’échecs ont été exécutés par Zhang Yi, directeur du département des sports et de l’éducation de la jeunesse de l’administration des sports de Shanghai, et Victor Bologan, directeur exécutif du conseil d’administration de la FIDE.
L’ouverture anglaise a de nouveau fait son apparition, mais cette fois, Tan Zhongyi a opté pour un double fianchetto. L’ouverture, cependant, n’a pas offert une position favorable aux Blancs. Leur adversaire ayant opté pour 12.Ce5 au lieu de 12.Ca3-c4, plus naturel, joué dans la partie Duda – Anand (Global Chess League, 2023). Grâce à un jeu franc et solide, les Noirs ont d’abord égalisé, puis ont pris l’initiative.
L’analyse de la 6ème partie d’échecs
Une faiblesse majeure de la position blanche résidait dans son cavalier en a3. Aux échecs, on nous apprend que « les cavaliers sur le bord sont faibles » (inventée par Siegbert Tarrasch au XIXe siècle), en référence à leur faible activité sur le bord de l’échiquier. Bien que le cavalier de Tan Zhongyi ait initialement eu de bonnes chances d’ouverture, il est resté trop longtemps à l’écart. Lorsqu’il a finalement bougé, il a bougé trop, tournant autour de l’échiquier sans jamais trouver de bonne case. Finalement, l’initiative des Noirs s’est transformée en un avantage tangible :
Ju semblait prête à remporter son deuxième point consécutif après avoir joué 21…g5! avec l’idée de gagner de l’espace à l’aile roi et de prendre le contrôle des cases blanches. Ce coup était difficile à trouver sur l’échiquier, d’autant plus que les Noirs avaient de nombreuses autres options intéressantes. C’était de loin le meilleur coup, et elle l’a réussi ! Tan a lancé 22.Ce1 (le meilleur coup défensif de la position) et un autre moment critique est survenu.
La combinaison des idées autour des poussées g5-g4 et c5-c4 est devenue cruciale. À l’aile roi, les Noirs contrôlaient les cases blanches, préparant le saut du cavalier en g5. Pendant ce temps, à l’aile dame, la création d’un pion passé et la menace d’une poussée c3 se profilaient. La position était si dominante que le commentateur de la FIDE, le GM Evgenij Mirosnichenko, a remarqué : « Les Noirs peuvent même dire « passe » dans cette position sans jouer, et ils seraient quand même gagnants. » Et pourtant, Ju a enchaîné avec l’un des rares coups qui ont permis aux Blancs d’égaliser complètement.
22…Ff6 ?
Bien qu’à première vue, le fou en b2 paraisse bien placé sur la grande diagonale, il s’agissait en réalité d’une pièce inefficace, ne faisant face qu’à un espace vide. En jouant …Ff6, les Noirs donnèrent aux Blancs l’occasion d’échanger ce fou, suivi d’une série d’échanges impliquant les tours. En un éclair, le venin fut aspiré hors de la position noire. Mettre en œuvre le plan noir avec 22…g4 ou 22…c4 était la clé pour maintenir l’avantage. Mais avec ces échanges, l’initiative s’essouffla.
La plupart des pièces ayant été retirées de l’échiquier, l’extension précédente des Noirs à l’aile roi, autrefois forte, est devenue un handicap. Leur roi était exposé. Tan a sagement conservé les dames sur l’échiquier, une décision qui a préservé ses chances. Une finale de cavaliers aurait clairement favorisé les Noirs, grâce à sa majorité de pions à l’aile dame et à un roi plus actif. La position avec dames, cavaliers et pions est restée équilibrée. Elle semblait se diriger vers une nulle. Mais dans cette partie, les hypothèses sur les résultats se sont souvent révélées peu fiables. Même des positions apparemment égales ont été transformées en victoires pour les deux joueurs.
Ju Wenjun avait hésité dans la finale de la deuxième partie. C’était son seul faux pas jusqu’à présent, entraînant une défaite. Mais depuis, elle a fait preuve d’une technique de finale impeccable. Ses solides performances lors des parties successives l’ont justifiée. Aujourd’hui n’a pas fait exception.
« Le domaine du jeu où nous excellons le moins est l’attente passive », a remarqué Mirosnichenko, faisant référence à l’art subtil de ne rien faire lorsque la position l’exige. Cela permet à l’adversaire de révéler sa main. Ju semblait parfaitement saisir cette nuance, contrairement à sa compatriote.
Dans cette position calme mais critique, les Blancs ne sont pas restés patients. Au lieu de cela, ils ont joué 31.h4?, un coup provocateur qui a ouvert la voie à des tactiques intéressantes. Était-ce une tentative de Tan pour presser pour la victoire ?
Ce coup a permis aux Noirs de prendre le contrôle avec 31…g4! Une réponse dominante qui a fait pencher la balance en leur faveur. Après 32.Db7+, les Blancs avaient des opportunités. De nombreuses réponses noires auraient conduit à l’égalité. Cependant, un faux pas comme 32…Rg6? aurait radicalement modifié l’évaluation du moteur. C’est un moment tactique intéressant : comment les Blancs peuvent-ils prendre l’avantage ? (solution à la fin)
Mais Ju a répondu précisément avec 32…Dd7! Forçant l’échange des dames et neutralisant toute possibilité de contre-jeu. Les dames étant hors de l’échiquier, la fin de partie est devenue simple. Ju a centralisé son roi et a converti l’avantage avec assurance. Cela a offert une leçon magistrale de fin de partie, la rendant apparemment facile. Bien sûr, aucune partie n’est vraiment facile lors d’un championnat du monde, surtout avec la pression. Mais Ju semble bien gérer cette pression, ayant remporté trois des quatre dernières parties. Elle aborde la seconde moitié du match avec une avance confortable de deux points. Un fort regain d’énergie, cependant, et la pause de deux jours pourraient encore modifier la dynamique psychologique.
La fin de la partie
Pour Tan Zhongyi, cette pause est une véritable remise à zéro. Elle revient à Chongqing avec le poids de deux défaites consécutives. Reste à voir si jouer à domicile lui redonnera confiance.
« Ce sera difficile, mais je suis une joueuse professionnelle et je sais gérer la pression », a déclaré la joueuse lorsqu’on l’a interrogée sur son sentiment concernant son déficit de deux points.
Avec 4 points au compteur, Ju Wenjun n’a besoin que de 2,5 points sur les six matchs restants pour conserver son titre. Elle doit atteindre 6,5 avant son adversaire. Le match reprendra avec le 7e match le 13 avril à 15h00, heure locale, 9h, heure de Paris
Crédit Photos Anna Shtourman
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