Du Bangladesh à Agen pour traverser la vie et les échecs

Accueillie par un Agenais, la famille Mojumdar est arrivée mardi à Agen dans le cadre du championnat de France d’échecs jeunes. Avec eux, c’est bien plus qu’une partie d‘échecs qui se joue.

U12 | U12F | U14 | U14F | U16 | U16F | U18 | U18F | U20 | U20F | Open A

De gauche à droite : Bernard Fainzang, Adyan, Ahram et Robi Mojumdar

C’est une histoire à tiroirs digne d’un roman. Elle commence par un mot envoyé dans la messagerie d’un réseau social. « Ayant gardé des contacts à Saint-Ouen, en région parisienne, où j’ai passé ma jeunesse, j’ai été sollicité par un copain, président du club d’échecs de cette ville pour accueillir un de ses joueurs qualifié pour la finale du championnat de France des jeunes, organisée à Agen (*)».

Le mot est signé par Bernard Fainzang. Homme de culture et de bonne volonté, il a longtemps été inspecteur de l’éducation nationale dans la cité de Jasmin après avoir œuvré à Auch. Le jeune en question est Ahram Mojumdar. Il a 8 ans. Il concourt dans la catégorie des U10. 1536 au classement Elo, il est un fan absolu du numéro 1 mondial Magnus Carlsen. Son ouverture préférée est fianchetto-roi « avec le fou en g2 ». Il nous la montre avec une rapidité hallucinante. « Ce que j’aime dans ce jeu, sourit-il, c’est qu’il faut se concentrer ».

Les mille et une parties

Ahram est arrivé à Agen jeudi soir accompagné par son frère Adyan et son papa Robi. Avec pour signe de reconnaissance une écharpe du Red Star, club mythique de football de la banlieue nord de la capitale, Bernard Fainzang a reçu à bras ouverts la famille à Agen, terre d’accueil par excellence. Il a été leur guide. « Je les ai amenés à leur inscription puis nous avons été au pont-canal, à la place Esquirol et enfin à leur hôtel ».


Adyan, 6 ans, niveau 1400 Elo, participe, lui, au tournoi Open pour les U8 et U10.

Comme son grand frère, il est très fianchetto-roi. Il se révèle aussi comme un compétiteur acharné. Durant le trajet pour rallier Agen, il a battu son père qui avait lui-même pris le dessus sur Ahram. Avec eux, ce sont les mille et une parties. Les gamins parlent de l’USMA, leur club à Saint-Ouen et de son président Curcio Carmelo que Bernard Fainzang a donc connu dans sa jeunesse. Ils évoquent également la figure d’Ismael Karim. Ce dernier est un maître international d’Oman. Il leur donne des cours par Internet.

Demandeur d’asile

À la question de savoir s’il y a un conseil de leur paternel qu’ils suivent à la lettre durant les tournois, les frangins Mojumdar répondent d’une seule voix et avec enthousiasme : « Etre concentré et ne pas regarder ailleurs ». D’ailleurs, c’est de là d’où vient Robi, ce papa pas comme les autres. Il a débarqué en France en 2009 pour « des problèmes politiques ». Tout seul. Sans son épouse Rina.

Il avait quitté Dacca, la capitale du Bangladesh. Il a demandé le droit d’asile en 2010. Il a été naturalisé. Sa femme le rejoint en 2012. Le couple s’installe en 2015 à Saint-Ouen où Ahram voit le jour. Derrière le sourire que Robi affiche en permanence, il y a un itinéraire qu’on imagine parsemé d’embûches avec des plages de solitude.

Sous les yeux d’un Bernard Fainzang masquant l’émotion de ceux qui ont une haute idée de l’esprit républicain, il dit aujourd’hui « notre pays » quand il parle de la France. Il confie sa fierté – et son stress – de soutenir ses enfants, de partager leur passion. Il remercie tous ceux qui font l’USMA et le maire de Saint-Ouen. Il pense fortement à Rina. Il a cessé de travailler il y a quelques mois pour l’épauler car elle a été frappée par un cancer. Elle est restée à Saint-Ouen pour s’occuper de leur troisième enfant.

Professeur de karaté, Robi Mojumdar a jusque-là traversé l’existence avec une volonté de surmonter les échecs qu’il transmet à Ahram et Adyan. « Dans la vie, gagner ou perdre n’est pas grave. Si on gagne, c’est bien. Si on perd, on apprend. On essaie de comprendre, d’analyser pourquoi il y a une défaite dans une bataille ».


(*) Le championnat de France d’Échecs Jeunes 2024 a débuté le 14 avril. Il se termine le 21 avril. Il réunit 1700 participants.

L’article complet sur La Dépèche

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *