Il y a 14 ans disparaissait Bobby Fischer en janvier 2008 à l’âge symbolique de 64 ans, comme le nombre de cases de l’échiquier. Retour sur ce génie fou qui a fait vibrer l’Amérique et trembler l’Union soviétique sur fond de guerre froide.
Champion des États-Unis à 14 ans, arrogant et paranoïaque, conspirationniste notoire, Robert James Fischer, dit Bobby Fischer, est passé comme une étoile filante dans le monde des échecs, disparaissant à 29 ans après son sacre de champion du monde. Pourtant, il a laissé dans les esprits une empreinte profonde, chez les amateurs mais aussi plus tangible dans le milieu professionnel.
Robert James Fischer, dit Bobby Fischer, né le 9 mars 1943 à Chicago aux États-Unis et mort le 17 janvier 2008 à Reykjavik en Islande, est un joueur d’échecs américain, naturalisé islandais en 2005 – Photo © New York Times
L’enfance de Bobby Fischer
Bobby Fischer découvrit les échecs à 6 ans, lorsque sa sœur aînée lui offrit un plateau pour l’aider à combattre l’ennui. Les deux enfants apprirent les règles grâce à la notice. Pendant les vacances, il dévore un livre décrivant des parties d’échecs : c’est le début de la vocation. Dès l’année suivante, sa mère Regina Fischer se lance dans la recherche d’adversaires. Inscrit au Brooklyn Chess Club, il participe à son premier tournoi à 10 ans et remporte le championnat des États-Unis quatre ans plus tard.
Une dévotion totale aux échecs
Les échecs dépassent bien vite le statut de passe-temps pour devenir la raison de vivre de Bobby Fischer, qui avoue lui-même passer 98 % de son temps à y travailler. Il devient un véritable moine consacrant sa vie à ce jeu dans lequel il perd peu à peu son âme. Car malgré son génie et ses 181 de QI, il ne semble pas gagner en maturité et reste enfermé dans une bulle de plus en plus épaisse, où son imagination invente sans cesse une foule de scénarios aussi catastrophiques que grotesques.
Ainsi, il vérifie tous les objets de ses chambres d’hôtel afin de s’assurer qu’il n’est pas sur écoute, redoute que l’URSS ne fasse exploser l’avion qui le mène à Reykjavik pour le championnat du monde, se fait retirer des plombages de crainte qu’ils ne camouflent un appareil destiné à contrôler sa pensée, admire Hitler et clame son antisémitisme… La liste est longue. Pourtant, tous ces termes éminemment politiques paraissent à peine se référer aux réalités du monde : Fischer mélange tout et n’a que faire de la politique.
Bobby Fischer, le génie fou des échecs – Vidéo © France Culture
Paranoïaque et incontrôlable, le génie des échecs est difficile à gérer par les organisateurs des tournois et par l’avocat et le prêtre (ancien joueur d’échecs) qui l’accompagnent. Fischer exige une limousine pour aller jouer ses parties et des hôtels de luxe pour ne pas faire piètre figure face aux joueurs russes qui bénéficient des meilleures conditions d’accueil.
La plupart de ses requêtes sont acceptées, certaines sont même conservées. En 1962, il fait scandale en quittant un tournoi et accuse les Russes de se serrer les coudes en jouant des parties rapides se terminant par un match nul, ce qui leur permet de s’économiser jusqu’à leur affrontement avec Fischer. La FIDE (Fédération internationale des échecs) reconnaît la justesse de ses remarques et amende son règlement en conséquence : les tournois sont désormais composés de matchs à élimination directe.
Lors du « match du siècle » qui l’oppose à son adversaire majeur et tenant du titre, Boris Spassky, Fischer enchaîne les réclamations : distance entre les joueurs et le public, silence et poids des pièces sont des changements pérennes. C’est là que Fischer atteint son apogée, en jouant des parties jamais égalées. Dans son film Le Prodige, biopic sur ce joueur d’échecs hors de toute norme, Edward Zwick montre toute la tension de ce match, dernière marche avant la gloire suprême et veille d’une déchéance tragique.
En effet, alors que toute l’Amérique l’adore et le soutient dans sa confrontation contre les Soviétiques, Fischer disparaît du jour au lendemain pour finir sa vie en errant à travers le monde, émergeant parfois le temps de proférer quelques insanités à propos des juifs avant de sombrer à nouveau. Sans doute a-t-il toujours pressenti que sa victoire sur le champion du monde lui serait fatale. Car à 15 ans, alors qu’il est le plus jeune grand maître (c’est-à-dire le plus jeune joueur disputant le titre de champion du monde) et qu’il pense que le chemin sera facile, il se met lui-même des bâtons dans les roues en boycottant des tournois obligatoires pour concourir.
Sa paranoïa aura eu raison de lui
Bobby Fischer meurt en 2008 à Reykjavik, lieu symbolique de toute sa vie, qui lui offrit l’asile après son emprisonnement au Japon pour antisémitisme. Sa paranoïa aura eu raison de lui, puisqu’il décède d’insuffisance rénale après avoir refusé les soins. Il reste ainsi le champion du monde indétrôné, n’ayant jamais remis son titre en jeu.
Bobby Fischer est une figure fascinante qui correspond étrangement à la caricature qu’on peut se faire d’un génie des échecs : complètement obsédé par ce jeu, doué d’une mémoire exceptionnelle qui lui permet de retenir des parties entières par cœur, paranoïaque, arrogant et caractériel, et réalisant la plus belle partie d’échecs jamais faite avant de disparaître et de devenir un véritable fantasme. Il y a des gens comme ça !
Rejouez une des plus extraordinaires parties d’échecs de Fischer
Cette partie eut lieu le 17 octobre 1956 à New York dans le cadre du Rosenwald Memorial Tournament. Un tournoi qui se tenait dans les locaux du prestigieux Marshall Chess Club de New York, encore existant à ce jour. Cet année là, un garçon de 13 ans natif de Brooklyn, New York, venait de jouer une partie si brillante que le commentateur Hans Kmoch, prenant de l’avance sur les possibles candidates des quatre décennies restantes, la qualifia, plein d’exubérance, de « partie du siècle ».
Les Noirs jouent et gagnent. A vous de trouver comment !
Bobby Fischer est opposé à Donald Byrne. Le prodige américain va jouer le coup du siècle dans cette position avec les Noirs. Le voyez-vous ?
Donald Byrne 0-1 Bobby Fischer, Défense Grünfeld, New York 1956
Dans la partie proposée, le jeune Bobby Fischer va inventer un coup hallucinant 17.Fe6!! qui élève cette partie au rang de légende.
La Dame noire reste en l’air et le Cavalier est ignoré, tandis qu’un Fou noir confortablement installé bat en retraite afin de s’unir au reste de l’armée pour asséner une série destructrice de coups au corps. Ce coup est comme une détonation que l’on a pu entendre dans le monde entier. C’est d’abord en voyant ce coup qu’à Moscou les grands-maîtres soviétiques comprirent qu’il y aurait bientôt une menace mortelle sur leur domination totale de l’échiquier. La partie en clip musical.
Musique : Cyril Mokaiesh, Elodie Frégé – La fin du bal (Clip officiel)
Le match du siècle en 1972
Il poursuit son ascension fulgurante jusqu’au « match du siècle » en juillet 1972. À bientôt 30 ans, le joueur est au sommet de sa gloire. Il choisit toute de même de s’éloigner des projecteurs pour prendre soin de son âme. Il rejoint alors une secte se réclamant du christianisme, la Worldwide Church of God (qui a changé de nom depuis). Là il étudie des textes bibliques et doit apporter une contribution financière comme tout adhérent.
En 1977, il quitte le groupe avec fracas ne croyant plus aux prophéties millénaristes du fondateur. S’en suit alors une longue période d’errance. Ses projets de mariage s’envolent, Bobby perd sa mère puis sa sœur. Son dernier match d’envergure en 1992 ne lui permet pas de retrouver de sa superbe. En effet, il a déjà multiplié des prises de parole empreintes de xénophobie.
En quête de sens
Lorsqu’il s’exile en Islande en 2005, il n’est plus que l’ombre de lui-même. Après s’être déclaré athée, Bobby se tourne vers les ouvrages du guru indien Rajneesh avant de se pencher sur les enseignements de l’Église. C’est finalement dans le petit pays nordique que sa quête semble se terminer. Un ami, Gardar Sverusson, catholique, tente de répondre aux questions que le génie des échecs se pose sur la foi.
Selon le biographe du joueur d’échecs, Bobby Fischer offre un catéchisme à Gardar pour nourrir leurs échanges. Se sachant malade, l’ancienne star laisse ses dernières volontés à son proche. Parmi elles : il demande à être enterré selon le rite catholique. Une conversion aux portes du grand passage ?
Une chose est sûre : le 21 janvier 2008, le père Father Jakob Rolland –du diocèse de Reykjavik– a célébré une messe pour le dernier adieu du Mozart des échecs. Clin d’oeil de l’Histoire, le champion d’échecs américain Bobby Fischer (1943-2008) est mort à 64 ans comme le nombre de cases de l’échiquier.
L’intégralité de cet article est à retrouver sur Daily Geek Show
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Résolvez 3 exercices d’échecs tirés de tournois internationaux pour progresser durablement en tactique. De difficulté progressive, mat en 2 coups en vert, mat en 3 coups en orange et mat en 4 coups en rouge, nous vous conseillons de vous concentrer pendant 5 minutes maximum sur chaque diagramme ci-dessous. Si vous ne trouvez pas une solution dans le temps maximum imparti, revenez sur cet exercice plus tard dans la journée. Enfin, comparer vos solutions avec celles qui sont données en fin d’article. Une manière efficace de progresser est de chercher par soi-même avant de découvrir la solution.
Les exercices et solutions du jour sont publiés le jour même
Échec et mat en 2 coups
Johnatan Bakalchuk vs Alessio Valsecchi, Internet, 2020
Les échecs aident à développer des compétences analytiques
A chaque partie, un joueur se retrouve face à des problèmes à résoudre et des défis à surmonter. Les échecs aident à anticiper, à ne pas se précipiter et à bien peser le pour et le contre de chaque décision. Comme dans la vie de tous les jours, où l’on essaie de prendre les meilleures décisions possibles pour obtenir des résultats positifs.
Échec et mat en 3 coups
Anatoliy Polivanov vs Roberto Garcia Pantoja, Internet, 2020
Les échecs apprennent à gérer la pression
C’est lors d’une partie d’échecs intense, dans laquelle on donne tout, que l’on apprend à rester calme malgré la pression. Prendre la décision critique en temps limité pour assurer la victoire nécessite une concentration totale et un calme profond, qui permet à votre cerveau de fonctionner au maximum de ses capacités. Toute notre vie, nous sommes confrontés à des dates-butoirs, à des défis difficiles, au trac des entretiens… Comme dans une partie d’échecs, il faut savoir rester confiant et calme malgré la pression pour réussir au mieux.
Échec et mat en 4 coups
Alan Pichot vs Benjamin Bok, Internet, 2020
Les échecs favorisent la bonne santé du cerveau
Le jeu d’échecs stimule la croissance de dendrites, ces corps qui envoient des signaux aux cellules neuronales du cerveau. Avec plus de dendrites, la communication neurale dans le cerveau s’améliore et devient plus rapide. L’interaction et les activités avec d’autres personnes stimulent également la croissance de dendrites. Pratiquer régulièrement le jeu d’échecs en famille, avec des amis ou dans un club est ainsi une expérience idéale.
Les solutions des 3 exercices tactiques
Échec et mat en 2 coups : 1. Ce6+ Txe6 2. Df7#
Échec et mat en 3 coups : 1. Cxg6+ hxg6 2. Dh4+ Fh6 3. Dxh6#
Échec et mat en 4 coups : 1. Fxg6+ Rxg6 2. e8=D+ Rh7 3. Df5+ Rh6 4. Dfg6#
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