Première partie de l’interview exclusive du Maître International d’échecs Jean Hébert, bien connu des lecteurs de Chess & Strategy pour sa superbe Newsletter HPE paraissant le mardi.
A Woman’s Worth – Alicia Keys
A découvrir, l’homme, les grands moments de sa carrière, sa vision du jeu, ses conseils. Cette interview a été réalisée par Olivier Caleff, envoyé spécial Chess & Strategy au Canada.
JEAN HEBERT, L’HOMME
Jean Hébert, quel est votre principal trait de caractère ?
Cela tourne autour de thèmes comme l’intégrité, le sens des responsabilités, la fiabilité, le fait que l’on peut me faire confiance et se fier à moi.
Quel est votre principal défaut ?
Parfois je suis un peu trop direct, voire même un peu impulsif parfois. Je gagnerai à être un peu plus diplomate !
Pensez-vous que votre caractère transparait dans vos parties ?
Tout à fait ! Cela se ressent dans les choix d’ouverture ou même en milieu de partie. Mon jeu est le reflet de mon caractère, et il évolue en fonction de nombreux éléments : le contexte, mon humeur,…
Je ne suis pas quelqu’un de très organisé et cela se ressent par exemple en terme de choix d’ouvertures. Je suis resté fidèle à la défense française mais sans vraiment en être un grand expert.
Quand vous ne jouez pas aux échecs, quelle est votre occupation préférée ?
A part les échecs qui sont mon occupation principale, c’est sans hésiter : la lecture. Que ce soit pendant mes congés, ou pendant des tournois, je dévore des livres. Je suis particulièrement attiré par les romans historiques, comme je l’évoque dans ma dernière lettre.
DE L’APPRENTISSAGE AU NIVEAU INTERNATIONAL
Quand avez-vous appris à jouer aux échecs ?
J’avais 5 ans, et j’ai fait mon premier tournoi à 8 ans.
Qui vous a appris à jouer ?
C’est mon frère Marc plus âgé qui m’a montré. Je me souviens très bien de mon premier tournoi, celui du Carnaval de Québec 1966.
Avez-vous des souvenirs de ce premier tournoi ?
De grosses larmes après la 1ère partie, une défaite contre un très bon joueur Camille Coudari, futur MI. Mais finalement un bon résultat 2/5 contre des adultes, car j’étais le seul enfant à l’époque.
Quel a été le phénomène déclencheur de stade de pousseur de bois à celui de joueur sérieux ou confirmé ?
Il n’y a pas eu de déclic ou de révélation : cela s’est fait de façon naturelle, une sorte d’évolution continue. En 1978, j’ai gagné le championnat du Canada.
Mais attention, je suis un généraliste des échecs, je ne suis pas un joueur professionnel. Ainsi certaines époques de ma vie ont été très denses en terme échiquéen, mais il y a aussi eu des parenthèses pendant lesquelles j’ai presque arrêté de jouer : j’avais des activités totalement différentes. Je n’ai jamais été un joueur professionnel mais plutôt un professionnel des échecs.
Par exemple, je n’ai pas eu à franchir de pas pour basculer complètement dans les échecs : les résultats sont arrivés, et je me disais « si la semaine prochaine ça continue comme ça, je poursuis dans les échecs ». Et la semaine suivante, j’étais toujours dans les échecs. Les résultats ne viennent pas toujours quand on s’y attend !
Dans ce cas, cela a du vous demander des efforts importants pour atteindre votre niveau de jeu et le conserver. Lesquels ?
J’ai surtout joué car je n’ai jamais eu d’entraîneur et par conséquent je n’ai jamais appris à m’entrainer. Mais j’ai dû apprendre à entrainer et à enseigner aux autres pour demeurer dans les échecs.
Que considérez-vous comme vos plus grandes réussites
La longévité, comme par exemple d’avoir été 2 fois champion du Canada … à 31 ans d’intervalle ! J’ai aussi gagné des tournois de maîtres à Paris, Bienne et New-York. Et passé proche des normes de GM à quelques reprises. Je suis surtout fier d’avoir fait des tas de choses dans le monde des échecs et surtout de les avoir bien faites. J’écris, j’enseigne, j’entraîne, j’ai fait de la traduction, des conférences sur la valeur éducative des échecs, des vidéos sur les échecs et ainsi de suite. J’ai même totalement arrêté les échecs pendant 3 ans, mais je suis revenu !
Et ce second titre de champion du Canada ? Vous aviez face à vous de jeunes loups aux dents bien aiguisées …
Oui, sur le papier, je n’étais pas favori, loin de là même. Mais la forme du moment compte énormément. J’ai joué dans de très bonnes conditions (à mes frais en partie).
En principe les jeunes en progression doivent gagner. Mais, sans comprendre pourquoi tout s’est mis à bien aller. Ce fût sûrement l’un de mes meilleurs tournois en termes de qualité de jeu. Je n’ai pas fait de parties exceptionnelles, mais j’ai joué solide avec une belle fluidité.
de Jean Hébert dans