Le jeu d’échecs constitue un outil métaphorique et pédagogique puissant pour la stratégie d’entreprise. Nous déterminons, dans cet article, les liens existants entre le jeu d’échecs et la stratégie en entreprise en trois volets.
- Une analyse des principes du jeu d’échecs appliqués à la stratégie d’entreprise (anticipation, gestion des ressources, prise de décision, etc.)
- Des exemples concrets d’entreprises ou de dirigeants s’étant inspirés du jeu d’échecs
- Une mise en perspective avec des travaux académiques ou professionnels sur le sujet

Un atelier échecs en entreprise – Photo © Echecs & Stratégie
1 – Analyse des principes du jeu d’échecs appliqués à la stratégie d’entreprise
Les parallèles entre le jeu d’échecs et la stratégie d’entreprise sont nombreux.
Vision et planification stratégique
Comme aux échecs, l’entreprise doit élaborer un plan à long terme. Le joueur d’échecs anticipe plusieurs coups à l’avance (prise des pièces adverses, défense du roi). De même, le dirigeant définit une stratégie globale (par exemple plan de développement ou positionnement) en anticipant les réactions de la concurrence. Cette « vision à long terme » est essentielle pour garder un temps d’avance dans un environnement concurrentiel.
Prise de décision et adaptation
Aux échecs, chaque coup est pesé en fonction des menaces et opportunités présentes sur l’échiquier. En entreprise, les décisions (investissements, lancements, recrutements…) sont prises selon les tendances du marché et les actions des concurrents. Comme le note une étude de management, le jeu d’échecs est « un outil bien documenté et puissant » pour développer cette capacité décisionnelle.
Gestion des ressources (pièces vs capitaux)
Au jeu d’échecs, chaque pièce a une valeur et un rôle distinct (un pion est moins précieux qu’une tour). Il faut optimiser leur utilisation (par exemple ne pas sacrifier une tour inutilement). En entreprise, il s’agit d’allouer au mieux ses ressources (humaines, financières, techniques) pour maximiser la performance. Par analogie, on apprend par exemple à ne pas « brûler » tous ses atouts sur un seul projet, à répartir les investissements et à utiliser les « pièces » (collaborateurs ou filiales) à bon escient.
Anticipation et analyse de la concurrence
Tout bon joueur anticipe le prochain coup de l’adversaire. De même, l’entreprise doit étudier son « adversaire » (clients, concurrents) en permanence, afin d’anticiper ses mouvements (nouveaux produits, baisses de prix, innovations technologiques) et d’adapter sa stratégie. Cette veille concurrentielle est comparable à l’analyse constante de l’échiquier.
Équilibre entre offensive et défensive (prise de risque)
Au cours d’une partie, on alterne entre attaques (sacrifier un pion pour attaquer un point faible) et défense (protéger son roi). L’entreprise doit aussi équilibrer prises de risques et protection : lancer des offensives (investir, innover, conquérir de nouveaux marchés) tout en défendant ses acquis (fidéliser sa clientèle, défendre sa marque). Le choix du moment pour « attaquer » ou se « replier » est crucial, tout comme aux échecs.
Gestion des imprévus (flexibilité)
Une partie d’échecs peut basculer brusquement (échec inattendu, gambit adverse) obligeant le joueur à modifier son plan. De même, une entreprise peut être confrontée à une crise (crash économique, nouvelle réglementation, rupture technologique) qui nécessite de réviser sa stratégie initiale. La flexibilité acquise par l’entraînement échiquéen (réagir à une attaque surprise, inventer des ressources tactiques) se transpose ici à la capacité managériale à pivoter rapidement.
Sacrifice stratégique (prise de courte perte)
Aux échecs, on sacrifie parfois volontairement un pion ou une pièce mineure pour obtenir un avantage décisif (ouvrir une voie royale, gagner en mobilité). De même, une entreprise peut accepter une perte à court terme (un investissement lourd, une baisse de prix temporaire) dans l’espoir d’un gain stratégique ultérieur (gagner des parts de marché, imposer un standard, développer une technologie clef). Ce principe d’arbitrage risque/rendement se retrouve dans les deux domaines.
2 – Exemples concrets de dirigeants et entreprises inspirés par les échecs
Le lien entre le jeu d’échecs et la stratégie d’entreprise est plébiscité par des patrons de renom.
Richard Branson, fondateur de Virgin, illustre ce parallèle :

« Les affaires ressemblent à jeu d’échecs géant : vous devez prendre des décisions stratégiques et apprendre rapidement de vos erreurs »
Richard Branson
Luca Desiata, PDG du groupe énergétique Enel France/Belgique et passionné d’échecs, a consacré sa thèse de fin d’études aux liens échecs/management. Luca en a tiré l’ouvrage Échecs et stratégie d’entreprise (2015). Il a même collaboré avec le champion du monde Anatoly Karpov pour formaliser cette analogie. Au final, il estime que jouer aux échecs est « essentiel pour améliorer la pensée stratégique » des managers.

Philippe Dornbusch et Luca Desiata – Photo © Echecs & Stratégie
D’autres dirigeants de la tech et de la finance recourent aux échecs : par exemple, Mark Zuckerberg (Facebook) organisait des parties nocturnes avec ses équipes pour aiguiller ses décisions.

Maîtres de l’échiquier. Mark Zuckerberg (à gauche) et Chris Cox au QG de Facebook, à Palo Alto (Californie), en mars 2009 – Photo © Peter Dasilva/REA
Nous pouvons également citer Peter Thiel (co‑fondateur de PayPal), un maître d’échecs convaincu.

Par ailleurs, certaines entreprises intègrent directement les échecs à la formation de leurs équipes. Des ateliers d’entreprise utilisent le jeu d’échecs pour travailler la réflexion collective et la cohésion stratégique.
Ces séances pédagogiques encouragent les collaborateurs à analyser des problèmes complexes à la manière d’une partie d’échecs, en exerçant leur attention, leur prise de décision sous pression et leur communication de plan tactique. Comme le note la revue Expansion Management Review (2008), pour rester compétitives « les entreprises doivent garder un temps d’avance et élargir la vision qu’elles ont de leur environnement » – exactement la démarche privilégiée par les grands maîtres d’échecs.
3 – Revue de la littérature académique et professionnelle sur le jeu d’échecs et l’entreprise
- Formation au leadership : Hunt & Cangemi (2014) concluent dans une étude éducative que le jeu d’échecs, outil « bien documenté et puissant », devrait être intégré dans les cursus de formation au leadership et en entreprise. Selon eux, l’apport cognitif du jeu d’échecs (analyse de position, planification, anticipation) est un « catalyseur » pour développer les compétences stratégiques des futurs managers.
- Recherche en stratégie : Plusieurs travaux académiques soulignent l’analogie échec-entreprise. Par exemple, Moukanas et al. (2008) évoquent explicitement « la parabole du jeu d’échecs » en stratégie : ils rappellent qu’une firme doit « garder un temps d’avance » dans un environnement turbulent, écho direct à la vision globale nécessaire au joueur d’échecs.
- Modèles stratégiques : Des chercheurs comme Silvestre & Goujet (1993) modélisent le marché comme un échiquier partagé par tous les acteurs. Dans cette conception, chaque entreprise est comparable à une « pièce » dotée d’atouts propres, évoluant selon des règles communes. Les auteurs montrent que l’on peut alors analyser la stratégie d’entreprise en décryptant « la carte » du marché comme le champion analyse l’échiquier, en évaluant opportunités et menaces depuis sa position.
Conclusion : le jeu d’échecs constitue un outil métaphorique et pédagogique puissant pour la stratégie d’entreprise
Dans l’ensemble, la littérature converge. Le jeu d’échecs se présente comme un outil métaphorique et pédagogique puissant pour la stratégie d’entreprise. Plusieurs ouvrages de management traitent du sujet. Par exemple : Échecs et stratégie d’entreprise de Luca Desiata, ou How Life Imitates Chess de Kasparov explorent ce thème. Ainsi, des articles académiques encouragent son intégration dans la formation des décideurs.
Sources : Publications stratégiques et managériales
- Hunt & Cangemi 2014 ;
- Moukanas et al. 2008 ;
- Silvestre & Goujet 1993 ;
- et des ouvrages de management ; articles et sites spécialisés qui fournissent ces analyses et exemples détaillés.
Abonnez-vous à ChessTips pour rester informé de l’actualité des tournois d’échecs → https://chesstips.fr
Pour apprendre à jouer et progresser, consultez notre catalogue de packs vidéos et améliorez votre niveau.