Sonja Graf, l’aventurière de l’échiquier

Dans les années 1930, cette Allemande à l’allure garçonne écumait les tournois. Réfugiée en Argentine au début de la Seconde Guerre mondiale, elle deviendra citoyenne américaine et décrochera deux fois, après guerre, le titre de championne des États-Unis.

Sonja Graf face à Max Euwe

Sonja Graf face à Max Euwe

Dans les années 1930, pour jouer aux échecs, une séduisante jeune Allemande a voyagé à travers l’Europe et plus loin encore. Elle aurait même pu être championne du monde. Mais, en face d’elle, la Britannique Vera Menchik, une formidable joueuse d’origine tchécoslovaque, mariée à un Anglais, était déterminée à défendre son titre.

Les deux jeunes femmes s’affrontèrent en match en 1934 et en 1937. Sonja s’inclina dans ces deux rencontres. Quelle ironie cruelle  : alors qu’elle pensait sans doute être en relative sécurité, Vera Menchik fut tuée à Londres par un missile allemand V1, le 26 juin 1944. Elle avait 38 ans.

Un garçon manqué

Sonja Graf est née le 16 décembre 1908 en Allemagne. «  À 20 ans, je suis tombée amoureuse des insomnies causé par l’immense chaos des variantes, comme elle le racontera plus tard. Le jeu d’échecs provoquait en moi une forte émotion, qui faisait vibrer tout mon être….  » Elle s’habillait fréquemment comme un homme  : chemise, pantalon et veste, cheveux courts à la raie sur le côté, cigarette à la bouche. 

La méprise était aisée. Peut-être voulait-elle passer inaperçue dans les tournois, ne pas attirer l’attention. C’était raté  ! Comme sa «  collègue  » Vera, elle battait souvent des représentants du sexe fort. Sa vie était celle d’un conte de fée. Elle avait 20 ans, prenait le train, l’avion, le bateau, dormait dans de beaux hôtels, mangeait dans des restaurants chics et surtout, rencontrait une foultitude de gens intéressants.

À Buenos Aires en 1939

Le plus grand moment de la carrière de Sonja Graf, fut sa 2e place, derrière Vera Menchik, au Championnat du monde féminin, en 1939, à Buenos Aires. Comme d’habitude, aucune des participantes ne put rivaliser avec l’intouchable Vera. Mais derrière, la compétition fut rude. Sonja parvint à devancer les redoutables jeunes joueuses des pays de l’Est. La guerre avait éclaté en Europe. Allemande, Sonja Graf demandait, comme beaucoup autres, l’asile politique à l’Argentine. Quelque temps après, elle embarquait pour les États-Unis.

Elle adore signer des autographes

En 1947, sa vie change et prend une tournure plus tranquille, plus posée. À 39 ans, elle épouse un marin  : Vernon Stevenson, désormais, elle accole son nom au sien. Elle n’est plus aussi redoutable sur l’échiquier  ; les joueuses soviétiques vont bientôt faire la loi. Mais elle continue de disputer des tournois internationaux et décroche, à deux reprises, le titre de championne féminine des États-Unis, en 1957 et en 1964. «  J’aime le public, avouera-t-elle. Les applaudissements, après l’une de mes victoires, s’infiltraient dans mon corps comme du miel  !  » Elle adore signer des autographes et elle s’habille désormais comme une star de cinéma. 

Elle s’éteint en 1965, désargentée.

Elle avait vécu comme une gitane  ; les avions, les bateaux et les trains étaient ses roulottes. Un jour, quelqu’un lui parla d’argent, elle répondit qu’elle avait toujours préféré l’amour au «  vil métal  ».

Dans les années 1930, cette Allemande à l’allure garçonne écumait les tournois. Réfugiée en Argentine au début de la Seconde Guerre mondiale, elle deviendra citoyenne américaine et décrochera deux fois, après guerre, le titre de championne des États-Unis.

Sonja Graf-Elena Raclauskienė

Championnat du monde féminin, Buenos Aires, 1939.

1.d4 Cf6 2.c4 g6 3.Cc3 d5 (la défense Grünfeld commençait tout juste à être populaire.) 4.Cf3 (4.cxd5 Cxd5 5.e4 Cxc3 6.bxc3 est une suite plus active.) 4…Fg7 5.Ff4 0–0 6.e3 c6 7.Tc1 b6 8.Fe2 Fb7 9.0–0 Ca6 10.cxd5 Cxd5 (sur : 10…cxd5 11.Da4 est fort.) 11.Cxd5 Dxd5 12.Da4 b5 (12…Cb8 13.Ce5 ! avec l’idée Ff3.) 13.Da3 e6 14.Tfd1 (les pièces blanches sont magnifiquement développées.) 14…Tfe8 15.Ce5 (Graf souhaite frapper sur la faiblesse en c6.) 15…Fxe5 16.Fxe5 Cb8 (16…c5 ? 17.Ff3 Dd7 18.dxc5 De7 19.Fd6+-) 17.b4 ! (fixe la faiblesse en c6) 17…Tc8 18.Ff3 Dd7 19.h4 ! (une excellente idée, afin d’affaiblir l’aile roi adversaire.) 19…De7 20.Fxb8 (Graf joue simplement, elle conserve un très bon fou face à une «  horreur  » en b7.) 20…Taxb8 21.h5 a6 22.Tc5 De8 (les noirs pouvaient abandonner, ils n’ont pas de matériel en moins, mais n’ont aucun contre-jeu.) 23.Tdc1 Tc7 24.Dc3 Tbc8 25.e4 f5 ? ! (les noirs ne savent plus quoi faire.) 26.exf5 gxf5 27.d5 ! exd5 28.Fxd5+ Tf7 (28…Rf8 ? 29.Dh8+ Re7 30.Te1+ +-) 29.Fb3 ! (le plus précis, la menace immédiate est 30.Txf5 et il n’y a pas de défense. Les noirs abandonnent.) 1–0


Sonja Graf terrasse un puissant maître polonais qui a immigré en Palestine en 1934. 

Moshe Czerniak–Sonja Graf 

Mar del Plata (16e ronde), 1942.

1.e4 Cc6 2.d4 d5 3.e5 Ff5 4.g4 ! ? Fd7 5.Ch3 e6 6.c3 Cce7 7.Fe3 c5 8.dxc5 Cc6 9.f4 Ch6 10.Fd3 Dh4+ 11.Cf2 0–0–0 12.Cd2 d4 13.Cf3 (13.cxd4 Cxd4 14.Fxd4 Fc6 attaque la Tour h1 et le Fou en d4.)

(voir diagramme)

13…dxe3 ! ? (face à un fort joueur, la championne offre sa dame pour déséquilibrer totalement la position.) 14.Cxh4 exf2+ 15.Rxf2 Fxc5+ 16.Rg3 g5 ! 17.Cf3 gxf4+ 18.Rxf4 Thg8 19.g5 (19.h3 ! ?) 19…Ce7 20.c4 (20.gxh6 ? Cd5+ 21.Re4 Tg4#) 20…Fc6 21.De2 Txd3 ! 22.Dxd3 Cg6+ 23.Dxg6 (Czerniak doit rendre la dame et il se retrouve dans une position perdue. Car après  : 23.Rg3 Cf5+ 24.Rg2 ((24.Rg4 Fxf3+ 25.Rxf3 Cxe5+ –+)) 24…Cf4+ -+) 23…fxg6 24.gxh6 Tf8+ 25.Rg3 Txf3+ 26.Rg4 (26.Rg2 Tb3+ 27.Rf1 Txb2–+) 26…Tf5 27.Thf1 Fe3 28.Txf5 gxf5+ 29.Rh3 f4 ! (le plus rapide vers la victoire.) 30.b4 Fe4 31.Td1 f3 32.Rg3 f2 33.c5 Fd5 34.a3 Fc4 35.Rf3 Fxc5 (35…Fd4 !) 36.bxc5 f1D+ 37.Txf1 Fxf1 38.Rf4 Rc7 39.Rg5 Fd3 40.Rf6 Ff5 0–1

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