« L’échiquier », un nouveau roman virtuose de Jean-Philippe Toussaint

Jean-Philippe Toussaint se met en « je » à tous les âges de sa vie, comme sur un échiquier devant lequel il serait son propre adversaire. Cela donne un maître roman, en lice pour le Goncourt.

Jean-Philippe Toussaint se met en « je » à tous les âges de sa vie, comme sur un échiquier devant lequel il serait son propre adversaire. Cela donne un maître roman, en lice pour le Goncourt.

Le dernier roman de Jean-Philippe Toussaint, L’échiquier, est un récit autobiographique paru aux Editions de Minuit – Photo ©Philippe Matsas/Leextra

En 1984, Jérôme Lindon reçoit Jean-Philippe Toussaint, tout jeune auteur. De lui, le prestigieux éditeur du nouveau roman s’apprête à publier la Salle de bain, premier roman. Toussaint relit son texte et opère « quarante-cinq corrections de détail », avant de faire part à Lindon de ses doutes et de ses scrupules. Lindon répond : « C’est vous l’écrivain. »

« La phrase m’a marqué à jamais », affirme l’auteur, dont sort l’Échiquier, en lice pour le Goncourt. Cela tient du récit à la première personne et du journal du confinement. Tel le héros du Joueur d’échecs, de Stefan Zweig, qu’il a traduit durant la pandémie, l’écrivain joue ici contre lui-même à tous les âges de sa vie. L’adolescent se ligue contre l’enfant, lequel agit déjà dans l’adulte en devenir : duel autobiographique à plusieurs figures, comme autant de pièces sur l’échiquier de la mémoire.

THÈME

L'échiquier

Jean-Philippe Toussaint a écrit L’échiquier pendant le confinement, comme une autobiographie.

L’occasion pour ce passionné d’échecs, de revenir sur certains épisodes marquants de sa vie, en 64 cases – comme celles du plateau – qui sont autant de courts chapitres.

Ce jeu, envisagé comme un parcours au hasard des souvenirs de jeunesse, d’adolescence et de jeune homme, se focalise sur sa vocation d’écrivain et ses débuts en littérature.

« L’échiquier »de Jean-Philippe Toussaint : « Un grand échiquier à lui tout seul« , aurait dit Jacques Chancel

POINTS FORTS

Retour sur sa vie à l’heure où pointe la vieillesse et arrive le temps d’un premier bilan, ce livre de souvenirs, qui semblent débouler sans prévenir mais qu’on imagine soigneusement choisis, est construit comme ses romans.

Il aborde ses moments particuliers qui ressurgissent, comme une madeleine de Proust, un premier en entraînant un second en emportant le lecteur dans une ronde de coups brillants et inattendus.

Jean-Philippe Toussaint se raconte en se réinventant. Il remonte le temps pour, après une brillante ouverture que n’auraient pas renié les grands maîtres, dérouler comme un fil d’Ariane le cours de sa vie.

Comme toujours chez Toussaint, l’équilibre est parfait entre l’intime et le romanesque. S’y ajoute un soupçon de mélancolie face au temps qui passe, comme des parties qu’on ne pourra pas rejouer. Reste les souvenirs …

QUELQUES RÉSERVES

Aucune réserve. Nul besoin d’être un fervent admirateur de l’auteur et de l’avoir accompagné depuis son premier livre, La salle de bains, en 1985, pour être séduit par ce nouvel opus qui enrichit une bibliographie impeccable.

ENCORE UN MOT…

L’échiquier est aussi un hommage au jeu d’échecs, qui innerve tout le récit. Alors qu’il l’écrivait, le matin, il travaillait en parallèle, l’après-midi, sur une nouvelle traduction de la nouvelle de Stefan Zweig, Le joueur d’échecs, le dernier texte écrit par Zweig avant son suicide en 1942.

UNE PHRASE

« Je voulais que ce livre traite autant des ouvertures que des fins de partie, je voulais que ce livre me raconte, m’invente, me recrée, m’établisse et me prolonge. Je voulais dire ma jeunesse et mon adolescence dans ce livre, je voulais débobiner, depuis ses origines, mes relations avec le jeu d’échecs, je voulais faire du jeu d’échecs le fil d’Ariane de ce livre et remonter ce fil jusqu’aux temps les plus reculés de mon enfance, je voulais qu’il y ait soixante-quatre chapitres dans ce livre, comme les soixante-quatre cases d’un échiquier. »

L’AUTEUR

Jean-Philippe Toussaint est un auteur belge, romancier mais également cinéaste.

Il poursuit aux éditions de minuit une œuvre riche d’une quinzaine de romans parfaitement « raccord » avec la ligne éditoriale fixée par Jérôme Lindon depuis qu’il en a pris la direction en 1948, et poursuivie par sa fille Irène Lindon après sa mort en 2001.

Ses livres, écrits dans un style minimaliste, mêlent étroitement réalité et fiction en laissant une part à l’imagination, celle de l’auteur mais aussi celle du lecteur qu’il sollicite en permanence.

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