Joël Lautier, champion d’échecs et financier

Notre sélection de livres/logicielsDébuterJouer en ligne

JOEL LAUTIER DANS LES ECHOS

Joël Lautier, champion d'échecs et financier - Photo © Virginie Clavieres/Sipa

Le journal Les Echos consacrait le 14 avril 2016 un bel article intitulé “Joël Lautier, champion d’échecs et financier” – Photo © Virginie Clavieres/Sipa

Né le 12 avril 1973 à Scarborough au Canada, Joël Lautier apprit à jouer aux échecs à trois ans par sa mère japonaise. Il a fait ses débuts au club parisien de Caïssa, où sa précocité fait immédiatement de lui un espoir pour l’élite. Il devient grand maître international d’échecs en 1990 et est candidat au titre mondial en 1994. Premier Français depuis Alexandre Alekhine à appartenir à l’élite mondiale des échecs, il fut notamment champion du monde des moins de 14 ans en 1986 et champion du monde junior en 1988. Il a pendant longtemps eu un score positif contre Garry Kasparov, le battant notamment au tournoi de Linares en 1994 et à Amsterdam en 1995 où il remporta le tournoi devant le champion du monde.

Sa première vie d’artiste enchaînant les tournois d’échecs mondiaux est bien loin. Souriant, Joël Lautier s’enthousiasme aujourd’hui pour sa nouvelle carrière – plus banale – de consultant spécialisé dans les fusions-acquisitions… à Moscou. « En France, c’était figé, explique ce Français né au Canada. La Russie m’a offert la meilleure passerelle pour passer des échecs aux affaires ! » Surnommé la « bête noire de Kasparov », le grand maître, qui garde à vie le prestigieux titre international, raconte avec émotion ses victoires historiques face à Garry Kasparov et continue de jouer pour le plaisir.

Joël Lautier, champion d'échecs et financier - Photo © ChessBase

Mais il se passionne désormais avant tout pour les négociations : les prochaines acquisitions d’entreprises pharmaceutiques russes par des groupes européens, français notamment.

La Russie est certes en pleine crise économique, mais Joël Lautier croit en ses perspectives à long terme. « Il y a de très bons actifs à racheter ici, mais ils sont peu nombreux et, entre acquéreurs européens et asiatiques potentiels, la concurrence est rude… », glisse, attablé à un café de Moscou, l’ancien champion, qui a fêté ce mardi ses quarante-quatre ans.

Depuis 2006 et sa retraite des échecs, c’est ici qu’il s’est installé et a fondé une famille franco-russe. Joël Lautier a d’abord rejoint Strategy Partners, une société locale pour les fusions-acquisitions. « J’avais un profil atypique mais j’avais l’avantage de parler russe », se souvient-il, racontant avoir découvert la langue de Pouchkine dans les livres d’échecs de son père avant de l’apprendre pour mieux s’imprégner de la culture du jeu soviétique.

Son premier séjour en Russie pour des tournois d’échecs et des stages.

Sotchi est une ville et une station balnéaire du kraï de Krasnodar, en Russie

Il avait seize ans, en 1989, lorsqu’il s’est rendu pour la première fois à Moscou, puis à Sotchi. Inscrit à des tournois, il avait alors obtenu la deuxième place à la surprise générale. Il y est ensuite régulièrement revenu pour des séjours de deux à trois semaines participant à des stages d’échecs à la campagne entre camarades du jeu. La meilleure école pour apprendre les échecs, le russe et… la Russie.

D’ailleurs, Joël Lautier dénonce la « diabolisation de la Russie en Europe » et s’efforce de tisser des nouveaux liens d’affaires. Il a créé sa propre société de consulting dans les fusions-acquisitions, RGG Capital. « RGG pour Russia Goes Global », détaille Joël Lautier qui, avec ses cinq partenaires et employés, intervient sur des deals allant de 20 à 150 millions de dollars.

« L’ÉLÉMENT PSYCHOLOGIQUE EST TRÈS IMPORTANT AUX ÉCHECS COMME DANS LES AFFAIRES »

Joel Lautier en visite au tournoi des candidats 2016 à Moscou où il réside.

Les rachats russes à l’étranger ne représentent que 20 % de son chiffre d’affaires, un autre tiers venant des achats étrangers en Russie et 50 % d’accords étant issus d’entreprises russes entre elles. « Bien sûr, c’est un pays compliqué. Mais pas plus que la Chine ou le Brésil, qui n’ont pourtant pas aussi mauvaise presse », regrette Joël Lautier, qui, parallèlement à ses fonctions, a pris le temps de se plonger dans les études du business, décrochant notamment un MBA à Skolkovo, l’école de management moscovite.

« Mon passé aux échecs m’a aidé », confie l’ex-champion, prévenant toutefois qu’il ne faut pas trop chercher de parallèle, « car le monde des affaires est plus complexe que celui des échecs ». Il n’empêche, dans les deux univers, « l’élément psychologique est très important : il faut apprendre à cerner la personnalité du joueur ou de l’interlocuteur en face pour mieux anticiper ses coups et attentes. Les échecs m’ont aussi donné cette capacité à envisager toutes les possibilités, à gérer les probabilités puis à prendre des décisions ». Un mode de fonctionnement qui, des tournois à la finance, continue de guider Joël Lautier.

Benjamin Quénelle, Les Echos

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *