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Le magazine Slate vient de publier un bel article sur les échecs qui pointe les faiblesses chroniques de la France parmi les nations échiquéennes.
Pourquoi prendre les échecs au sérieux reste-t-il un acte fou en France ? Photo Philippe Dornbusch au Musée de Tel Aviv © Chess & Strategy
La discipline des échecs révèle, au fil des époques, l’ascension et le déclin des puissances de la planète. Pas étonnant qu’en France les échecs restent un pur plaisir de dilettante. Le constat de Polo Breitner – un pseudonyme en hommage au grand footballeur allemand et esprit libre Paul Breitner -, est alarmant. La France nagerait à contre-courant et ne tiendrait plus son rang. Ci-dessous, quelques extrait de cet article éclairant.
Le «double Je» français
Officiellement, tout va bien! La Fédération française des échecs (FFE) aime à rappeler que le pays de Philidor rugit dans le Top 10 mondial depuis quelques saisons. La moyenne calculée des dix premiers joueurs de chaque pays au classement Elo permettant ce postulat. L’équipe nationale a même obtenu quelques beaux succès d’estime dans les joutes continentales: deux secondes places en 2001 et en 2013 et même une médaille de bronze aux championnats d’Europe par équipes en 2005. Malheureusement, quelques nations occidentales, capables de nous servir de valeur étalon, donc hors ex-bloc soviétique, sont allées chercher l’or avec un groupe, sur le papier, pas forcément supérieur au nôtre. Ce fut l’Angleterre en 1997, les Pays-Bas en 2001 et 2005 et l’Allemagne en 2011. La gloriole nationale est donc, peut-être, à relativiser.
Le déclin : la Chine et l’Inde ont dépassé la France, désormais 6e nation échiquéenne. L’Allemagne compte 3 fois plus de titrés que la France.
Lorsque l’on s’arrête sur la densité des pays, donc des pratiquants ayant obtenu depuis 1950 le titre officiel de «Grand Maître» ou bien de «Maître», la situation hexagonale est pour le moins caduque. L’optimisme est à la baisse. Cela ne risque du reste pas de s’arranger puisque les nouvelles forces des 64 cases, la Chine et l’Inde en tête, sont en pleine explosion, aidées évidemment par une démographie largement supérieure. Plus proche de nous, le rapport de force avec l’Allemagne est éloquent. Cette dernière n’est que treizième au classement des nations mais elle a produit, depuis soixante-cinq ans, près de quatre fois plus de joueurs titrés que la France! La culture échiquéenne est donc bien plus implantée dans la société civile de l’autre côté du Rhin. Aujourd’hui encore, théoriquement en activité, se trouvent deux fois plus de joueurs titrés allemands que français. Passons sur la qualité des clubs, des infrastructures.
La France des 64 cases se défend mais n’est en aucun cas à l’attaque
En sport de haut niveau comme en diplomatie, le pays qui n’avance pas recule. L’exploit individuel du numéro un français Maxime Vachier-Lagrave, second derrière l’intouchable Magnus Carlsen, au mois de janvier dernier au Tata Chess Steel Tournament, représente moins la résultante d’une politique fédérale et cocardière que l’avènement d’une nouvelle génération de praticiens globalisés du jeu d’échecs.
La France nage à contre-courant. Elle a choisi de préférer les «échecs-loisir» alors que beaucoup d’États-nations se réarment sur les 64 cases, refusent d’abdiquer et ont compris que le noble jeu est tout autant un sport, une science qu’un art. C’est un premier niveau. Le second est géostratégique et symbolise depuis la nuit des temps la place des puissants sur «l’échiquier mondial». Fantasmes et réalités s’y mêlent. Qu’importe, c’est une place à tenir. Celle-ci dépend uniquement d’un choix politique fort, qui s’assume et offre le roi des jeux à sa population pour un apprentissage réel de la vie, dans un monde globalisé où les règles, finalement, sont toujours les mêmes. Seuls les protagonistes changent, la France ne tient plus son rang.
Pour en savoir plus : L’article du Magazine Slate