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Dispersé, brouillon… C’est votre cerveau qui fait le tri entre les stimuli pertinents ou distracteurs. Comment ? Et pourquoi échoue-t-il parfois ? L’interview de Garry Kasparov à nos confrères du Point
A lire cette semaine dans le Magazine hebdomadaire Le Point daté du 4 juin 2015, l’interview de Garry Kasparov par Etienne Gernelle. Pour contrer la tendance à l’éparpillement et à la superficialité, l’ancien champion du monde d’échecs milite pour un apprentissage des échecs à l’école.
Les échecs sont-ils un remède à la déconcentration ?
Garry Kasparov : Les échecs sont un outil qui permet d’exercer son cerveau. Quand vous voulez développer vos muscles, vous allez à la gym, vous soulevez des poids ! Les échecs répondent au même besoin pour les fonctions cognitives.
Surtout dans le monde où nous vivons, avec tant de distractions, tant d’informations qui nous parviennent. Notre capacité d’attention a beaucoup diminué. La manière dont nous percevons notre environnement est devenue superficielle. Elle peut se résumer ainsi : un kilomètre carré, mais un centimètre de profondeur.
Votre fondation milite pour l’enseignement des échecs à l’école. Pourquoi si tôt ?
Il est important de commencer tôt, car beaucoup de choses se jouent avant l’âge de 9 ans. Cela ne veut pas dire que cela ne sert à rien pour les adultes, mais, à partir de l’adolescence, ce n’est déjà plus du hardware mais du software…
On dit souvent ques les échecs aident pour les maths…
C’est vrai, car il faut calculer et résoudre des problèmes. Mais les bénéfices des échecs sont bien plus vastes. Ils vous font prendre conscience de l’interdépendance des choses. Ce qui se passe d’un côté de l’échiquier aura des conséquences de l’autre côté. C’est un apprentissage de la vie. Mais surtout, ce jeu augmente notre capacité à absorber de l’information, ce qui a des effets, notamment sur la lecture.
En compétition, attribuez-vous vos succès à une meilleure concentration que les autres ?
Ce n’est qu’un critère parmi d’autres, mais oui, j’avais en compétition un niveau de concentration extrêmement élevé. Et pas seulement pendant les 5 ou 6 heures d’une partie. Je consacrais au moins autant de temps à me préparer. Durant des compétitions qui duraient deux semaines, j’étais en état d’attention totale 10 à 12 heures par jour. Je vivais « échecs ».
Aviez-vous des recettes particulières ?
Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de ne pas appliquer aveuglément des conseils généraux. Nous sommes tous différents. Certains sont plus aggressifs, d’autres sont plus défensifs. A chacun son histoire, son ADN. Souvent, avant de vous prescrire un traitement, un médecin vous demande une analyse sanguine. Pour l’attention, c’est la même chose. Apprenez sur vous-même d’abord !
Avez-vous un smartphone ?
J’en ai deux! Plus un iPad et un ordinateur portable. Mais vous savez, j’ai une relation non affective avec ces objets. Pour moi, ce n’est qu’un moyen de collecter de l’information. Je n’en suis pas esclave. Peut-être que c’est plus facile pour moi parce que j’ai 52 ans. Cette question de la relation homme-machine, je m’y intéresse de très près, je donne beaucoup de conférence sur le sujet. Dans la vie de tous les jours comme aux échecs, il y a un risque de voir la créativité humaine laminée par des ordinateurs qui ont pour eux la puissance de calcul et la mémoire. Néanmoins, si vous parvenez à les domestiquer, vous n’en serez que meilleur. Et comment vivre aujourd’hui sans les machines ?
Vous éteignez parfois vos téléphones ?
Dans l’avion seulement ! (rires).
Pour en savoir plus : L’article du Point