« Le boom des échecs est réel : c’est presque devenu cool d’y jouer »… le regard du maître Julien Song sur le succès du jeu.
Les échecs connaissent une popularité fulgurante en France : on comptait quelque 50 000 licenciés en 2019, on en compte désormais près de 80 000. Julien Song, maître international d’échecs, coach et réalisateur de contenus sur YouTube, apporte des réponses sur le développement de ce jeu.
Entretien à La Dépêche du Midi pour expliquer le boom actuel des échecs.

Les échecs ont connu une croissance fulgurante ces dernières années, avec une progression de 50 000 à 80 000 licenciés entre 2019 et 2024. Quel regard portez-vous sur le succès de cette pratique ?
Julien Song : Lorsque j’étais enfant, les échecs avaient une image un peu insignifiante. Cette pratique était réservée aux « geeks » Ce n’était ni tendance, ni populaire. C’est presque « cool » aujourd’hui de jouer aux échecs. Je ne pensais pas que ce jeu puisse être mis en avant dans la culture Popu. C’est devenu un véritable phénomène.
Comment expliquer le boom des échecs ?
Plusieurs facteurs ont été importants. Tout d’abord, la série Le Jeu de la dame, disponible sur la chaine Netflix à partir de 2020. À sa sortie, les échiquiers étaient en rupture de stock. Le confinement a également permis de redécouvrir les jeux en intérieur. Et aujourd’hui, des plateformes en ligne – comme Chess.com – ont permis de généraliser la pratique des échecs, n’importe quand, partout dans le monde. Il suffit de quelques clics pour jouer contre un adversaire à l’autre bout de la Terre.
Il y a également une véritable gamification des échecs : le jeu propose ce que l’on appelle un « classement Elo », qui permet à chacun de mesurer sa progression. Nous pouvons comparer ses performances et se challenger entre amis.
Le jeu s’est aussi trouvé une place sur les réseaux sociaux…
Il est évident que les influenceurs ont joué un rôle important : lorsque « Inoxtag » (l’un des créateurs de contenu les plus influents de la scène francophone, avec 9 millions d’abonnés, ndlr) fait un live sur les échecs, cela touche des centaines de milliers de jeunes sur les réseaux sociaux. Cette image est dynamique et jeune.
Comment enlever cette image de jeu « élitiste » ?
Quand on parle des échecs, il y a souvent une forme de doute qui s’installe chez les « non-initiés ». Combien de fois j’ai entendu dire que « Ah non, les échecs ne sont pas pour moi ». Pendant très longtemps, on a eu tendance à parler des échecs, à utiliser des mots compliqués, à utiliser des stratégies élaborées. Il y a parfois eu la peur de trahir le jeu et sa complexité si on en venait à le rendre accessible à tous. Résultats : les échecs ont – très longtemps – eu l’image d’un jeu « inaccessible ». Il est nécessaire d’enlever cette barrière mentale, de désacraliser la pratique, de vulgariser le jeu et ses règles. Il a fallu simplifier les discours et penser qu’en 15 ou 20 minutes, on apprend les règles.
Le boom des échecs – Votre expérience témoigne également de cet enthousiasme récent…
Tout à fait ! J’ai suivi un parcours classique : classe prépa, école de commerce, puis conseil en entreprise à La Défense. Et puis le Covid-19 est arrivé. J’ai subi un burn-out. Cela m’a poussé à tout arrêter, pour des raisons de santé. Cela m’a aidé à revenir sur mon premier amour : les échecs. J’ai commencé par donner des cours particuliers, puis à créer du contenu en ligne. J’ai créé mon club, j’ai recruté une équipe de travailleurs indépendants, et maintenant je vis des échecs.
Au final, quelles sont les choses que vous trouvez dans ce jeu que vous ne trouvez pas dans une autre pratique ?
Vous avez là un jeu qui a 1500 ans. Bien sûr, les règles ont énormément évolué au cours de l’histoire, à cause des influences culturelles ou encore aux guerres qui ont eu un impact énorme sur les pièces que l’on retrouve aujourd’hui sur l’échiquier. Les règles mises en place aujourd’hui sont plus ou moins définies depuis le XVIIe siècle. Cela fait quand même 300 ans qu’on n’a pas mis à jour les échecs. Mais c’est un jeu que l’on n’a pas du tout fini d’étudier et de pratiquer. Quant à moi, je n’ai pas joué deux fois la même partie.
Le boom des échecs – L’intelligence artificielle va-t-elle servir ou desservir le jeu ?
C’est une révolution silencieuse. Depuis Deep Blue contre Kasparov, les intelligences artificielles ont beaucoup dépassé les humains. Aujourd’hui, on apprend des machines. Elles jouent des coups qui paraissaient absurdes pour un humain. Pourtant, en analysant, on comprend que cela fonctionne. L’intelligence artificielle met en doute nos principes fondamentaux : elle vient pousser notre propre compréhension du jeu, en créant des stratégies que jamais nous n’aurions imagées.
La difficulté, c’est que l’IA fonctionne comme une boîte noire. Elle ne parvient pas à expliquer ses choix. Les grands joueurs doivent apprendre à l’utiliser comme un outil sans être dépendants. C’est le vrai enjeu : faire de l’IA un serviteur, pas un maître.
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